Positive Leadership
Positive Leadership
[FR] La science du leadership efficace (avec Dr Nadia Medjad)
Les êtres humains sont par essence des êtres sociaux. Nous pouvons nous comprendre sans dire un mot et nous sentir transportés et stimulés au sein de communautés soudés.
Alors, comment la compréhension de la science des émotions et du cerveau peut-elle nous aider à devenir de meilleurs leaders ?
Dans le dernier épisode du podcast Positive Leadership, JP discute avec la Dre Nadia Medjad, une chercheuse extraordinaire qui étudie le rôle des neurosciences dans l'espace de travail pour trouver des réponses.
Écoutez-le dès maintenant !
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Jean-Philippe Courtois : Bonjour et bienvenue sur Positive Leadership - le podcast qui vous aide à vous développer en tant qu'individu, leader, et finalement en tant que citoyen du monde.
Nadia Medjad : Pourquoi la self-awareness, c'est important en particulier pour les dirigeants, les leaders ? C'est prendre conscience de son état à un instant, parce que si on est en état d'insécurité, c'est-à-dire quand l'accélérateur est tout le temps en marche, ça crée dans l'organisme un état d'insécurité, parce que quand le cœur s'accélère, c'est face au danger, donc si mon cœur s'accélère mon inconscient se dit on est en état d'insécurité. Donc, si je suis en état d'insécurité, je vais communiquer ça à mes équipes. On va le sentir et ça fonctionne comme une wifi.
Jean-Philippe Courtois : Un bon leadership est-il moins une question de compétences que de la manière dont notre cerveau transmet nos expériences émotionnelles?
C'est l'une des questions que j'aborderai avec mon invité aujourd'hui, Nadia Medjad, médecin et consultante, qui travaille avec des dirigeants et leurs équipes pour décrypter le fonctionnement du cerveau afin d'améliorer les performances individuelles et collectives.
Elle est également l'autrice d'un nouvel ouvrage qui s'intitule « Investir dans la confiance : quand les neurosciences réinventent le management », qui sera publié prochainement.
Nadia avait tant de connaissances et de sagesses fascinantes à partager. Sur les origines biologiques de nos émotions, sur ce qu'il faut faire si des émotions bloquées vous empêchent de sortir de votre zone de confort, et sur la manière de devenir un amplificateur d'émotions positives au travail. Il y en a vraiment pour tous les goûts dans cet épisode. J'espère que vous l'apprécierez.
Docteur Nadia Medjad, une très chaleureuse bienvenue dans notre podcast positif leadership.
Nadia Medjad : Merci, Jean-Philippe, merci de m'accueillir.
Jean-Philippe Courtois : Nadia, vous avez fait des études de médecine et puis après en fait vous vous êtes dirigée vers le secteur privé en travaillant pour de grandes entreprises comme Roche et Danone pendant une vingtaine d'années avant de créer votre activité de conseil. On peut dire que c'est une trajectoire un peu inhabituelle, voilà, quelques rebondissements.
Alors, pourquoi avez-vous choisi de faire médecine pendant 6 ans ou 6 ou 7 ans… On sait que c'est de longues études et pour travailler ensuite, je crois, dans le service de pédiatrie d'Elbeuf et finalement rejoindre le monde de l'entreprise pendant 20 ans.
Nadia Medjad : Oui effectivement, c'est une trajectoire un peu atypique pour un médecin. Dans mon cas, ça s'explique par différentes questions que je me suis posées à l'issue de mes études de médecine qui ont duré 8 ans, j'étais la première génération à avoir droit à 8 ans d'années de médecine.
Quand je suis arrivée à la fin de mes études et que je me suis mise à beaucoup travailler sur le terrain je me suis posé des questions sur la pertinence de ce que j'avais appris vis-à-vis des patients que j'avais en face de moi. Déjà, j'avais un énorme bagage de connaissances et je trouvais que finalement il ne me servait pas à grand-chose pour soulager les patients et puis je voyais des échecs de la médecine que je ne comprenais pas et je voyais des miracles ou des succès que je ne m'expliquais pas davantage. Et je me suis dit, mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, il y a quelque chose qu'on n'a pas compris et c'est ça qui m'a donné envie à la fois de prendre de la distance, alors je me suis dit, je vais changer de métier pendant 2-3 ans et je reviendrai à la médecine après avoir réfléchi à tout ça, éventuellement après avoir étudié d'autres choses et les 2-3 ans ont duré 20 ans. Voilà !
Jean-Philippe Courtois : Alors vous êtes parti dans le monde de l'entreprise et qu'est-ce que ça vous a apporté ce parcours dans de grandes entreprises, finalement, dans des univers très différents ?
Nadia Medjad : Ça a été un apprentissage formidable. Je suis passée du secteur public, puisque je travaillais surtout à l'hôpital, au secteur privé dans la grande entreprise et là j'ai découvert un monde d'un dynamisme incroyable et puis cette volonté d'atteindre des objectifs avec des critères très précis de succès, j'ai trouvé une grande dynamique, j'ai aimé travailler en équipe et j'ai été séduite par cette dynamique de groupe et par tout ce que j'apprenais sur moi-même et sur les autres en avançant comme ça et je pense que j'ai été happée dans cette dynamique et c'est pour ça que ça a duré beaucoup plus longtemps que prévu.
Cela dit, en parallèle de mes jobs dans l'industrie, mes jobs successifs, j'ai continué à apprendre et à aller notamment à la fac de médecine, puisque chaque année j'étais inscrite à l'université, j'ai fait un cursus de médecine chinoise, je me suis formée à l'hypnose clinique… Voilà ! Je continuais à chercher les pistes pour répondre à mes questions.
Jean-Philippe Courtois : Un vrai gross mindset comme on le dit.
Nadia Medjad : Oui, tout à fait.
Jean-Philippe Courtois : Tu es prête à apprendre réellement tout et de continuer à grandir. Alors, à quel moment dans ces différentes séries dans votre parcours et d'apprentissage vous vient cet intérêt pour les neurosciences et qu'est-ce qui vous a conduit à cette nouvelle voie et sur laquelle après on va élaborer, évidemment bien davantage ensemble ?
Nadia Medjad : Oui, c'est quand je me suis formée à l'hypnose clinique. La science avait beaucoup évolué notamment en termes de neurosciences puisque les neurosciences c'est la science du cerveau pour faire simple et il y avait de nouveaux outils comme les IRM fonctionnelles qui sont des gros scanners qui ont entraîné une révolution dans la compréhension du cerveau puisque du jour au lendemain on était capable de voir ce qui se passait en live dans le cerveau alors qu'avant tout ce qu'on pouvait faire c'était ouvrir la boîte crânienne et aller voir dedans…
Jean-Philippe Courtois : Un peu intrusif.
Nadia Medjad :… Ou alors avec un électroencéphalogramme, mais ça donnait des informations pas très faciles à utiliser. Et de me dire qu'on pouvait suivre la pensée d'un être humain de seconde en seconde, de voir se déployer des émotions, on a identifié le circuit de la motivation. Mais ça d'un seul coup je me suis dit on va comprendre des choses extraordinaires, ça ouvrait un champ incroyable. Voilà pourquoi je m'y suis intéressé sans être moi-même un chercheur en neurosciences, mais j'ai eu envie de comprendre et de continuer à explorer tout ça.
Jean-Philippe Courtois : Alors, vous avez commencé à le dire, Nadia, et grâce à vous on va quelque part vulgariser pour nous tous les neurosciences dans notre échange, ce sont la science du cerveau, du système nerveux, et aujourd'hui on va s'intéresser en particulier notamment aux neurosciences affectives et sociales qui je crois sont un domaine de recherche peut-être encore même plus nouveau apparu à la fin du 20e siècle. D'ailleurs, c'est assez marrant, c'est que c'est apparu à peu près au moment aussi de la psychologie positive. C'est peut-être pas un hasard, on va en reparler, parce que dans le cadre du leadership positif évidemment ce sont deux disciplines fondamentales sur lesquelles reposent beaucoup de pratiques, de savoir, d'expérience dont on va parler. Alors, pouvez-vous nous expliquer évidemment de la manière la plus simple, je sais que vous le faites très très bien, de quoi il s'agit finalement, ces neurosciences affective et sociale, c'est quoi ce domaine finalement ?
Nadia Medjad : Alors, comme vous l'avez dit, c'est un nouveau champ d'investigation qui s'intéresse aux émotions et aux comportements.
De façon tout à fait extraordinaire, les émotions n'intéressaient pas beaucoup les scientifiques jusqu'à une date récente, parce que les émotions étaient considérées un peu comme des parasites qui venaient nous embêter, mais qui n'avaient pas lieu d'être pris en considération…
Jean-Philippe Courtois :C’était irrationnel ? Trop irrationnel, c'est ça ?
Nadia Medjad : Trop irrationnel, mais oui ! Et comme les scientifiques sont des gens rationnels ils ne les prenaient pas en compte, mais on a appris en 2002 grâce au prix Nobel d'économie, les deux prix Nobel d'économie en 2002 ont révolutionné la compréhension de l'humain en révélant au monde que l'être humain est un être profondément irrationnel. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il est d'abord motivé par ses émotions et c'est seulement dans un second temps que l'humain va rationaliser ses choix qui sont en réalité des choix purement émotionnels.
Jean-Philippe Courtois : Donc, on démarre avec l'émotionnel, toujours ?
Nadia Medjad : Oui, parce que l'émotionnel, ça prend 20 millièmes de seconde et ça envahit notre corps. Quand vous rencontrez une personne pour la première fois, il faut une fraction de seconde pour savoir si c'est un ami potentiel ou un ennemi potentiel. Après on va se raconter une histoire en se disant bah voilà pourquoi je l'aime pas celui-là ou voilà pourquoi je l'aime…
Jean-Philippe Courtois : Mais en fait, c'est décidé dès le départ ?
Nadia Medjad : C'est décidé et c'est très difficile de revenir en arrière.
Jean-Philippe Courtois : Alors, vous avez créé un livre pour vulgariser les neurosciences en 2016, il s'appelle neuro learning. Comment les neurosciences aident la formation, alors, sachant que la formation, ça rejoint évidemment d'abord votre vie, vous êtes un bel exemple de formation permanente, les Anglo-Saxons parleraient de lifelong learning, ce qui est une réalité à laquelle chacun, chacune d'entre nous et confronté… Une opportunité plutôt… Quelles sont les trois idées maîtresses, Nadia, de ces neurosciences en termes d'apport à la formation ? Moi, c'est un sujet qui me passionne. J'avais encore dans une édition très récente qui vient d'être publiée de l'épisode avec Sal khan de la Sal khan Academy, que vous connaissez sans doute, qui évidemment s'est donné pour mission de rendre l'éducation accessible au plus grand nombre partout dans le monde. Et il m'a beaucoup parlé de ce processus d'apprentissage et de sa philosophie. Qu'en est-il en matière de l'apport des neurosciences sur la formation, qu'est-ce que ça nous dit et comment mieux apprendre compte tenu de cette compréhension de notre cerveau ?
Nadia Medjad : Ce que nous disent les neurosciences, c'est déjà que nous avons un tas de points communs dans notre façon d'apprendre, mais que nous avons aussi des points particuliers. C'est-à-dire que les neurosciences ont éclairé la façon dont nous apprenons. Les démonstrations les plus spectaculaires ont été menées chez l'enfant. Par exemple, vous vous souvenez, le débat à l'école de l'apprentissage de la lecture, est-ce qu'il fallait que ce soit syllabique ou global.
Jean-Philippe Courtois : Oui, absolument.
Nadia Medjad : Débat qui a été terminé le jour où Stanislas Dehaene a dit, ce n’est pas compliqué, le cerveau il apprend par syllabes. Donc, fin du débat.
Jean-Philippe Courtois : Fin du débat. Terminé.
Nadia Medjad : Donc, vous voyez, les neurosciences permettent d'aller voir comment ça marche. Alors, il faut rester modeste, on est au début de ces découvertes. Pour moi, vous me demandiez les apprentissages fondamentaux…
Jean-Philippe Courtois : Oui.
Nadia Medjad : Pour moi, il y en a un qui dépasse tous les autres, c'est que les émotions interfèrent de façon spectaculaire avec l'apprentissage. C'est au point que lorsque nous éprouvons des émotions négatives, c'est à dire principalement de la peur, de la colère, voire de la tristesse, ces émotions quand elles atteignent un certain niveau, non seulement elles réduisent la capacité d'apprendre, mais elles peuvent bloquer complètement l'apprentissage. Pourquoi ? Parce qu'il y a un phénomène qui s'appelle la bascule des émotions qui vient contredire ce qu'on a longtemps cru que les émotions étaient d'un côté et le cerveau exécutif, c'était à ce qui réfléchit de l'autre. En réalité, quand on a nos fonctions exécutives au top, pour qu'elles soient au top, il faut que soit l'humeur soit égale soit qu'elle soit même plutôt joyeuse. On s'est aperçu qu'un individu de bonne humeur a des capacités de résolution créative des problèmes beaucoup plus élevées.
Jean-Philippe Courtois : Beaucoup plus élevées.
Nadia Medjad : Voilà ! Inversement, s'il y a une émotion négative qui monte, il y a une inhibition du cerveau exécutif, vous savez, comme les balances d'enfants dans les parcs. Ça veut dire qu'un enfant qu'on humilie, parce qu'il n'a pas compris, un enfant qu'on punit, parce qu'il n'a pas réussi, voilà, toutes ces émotions négatives, non seulement elles ne vont pas rendre service à l'apprentissage, elles vont le pénaliser.
Jean-Philippe Courtois : Bloquer l'enfant.
Nadia Medjad : Voilà ! Vous savez, on parle de l'anxiété des mathématiques. Le problème, ce n’est pas les mathématiques, c'est l'anxiété. Le gamin, il a besoin d'être rassuré pour avoir accès à ces fonctions cognitives.
Jean-Philippe Courtois : La science est claire : les émotions et l'apprentissage sont inséparables. Les émotions peuvent à la fois favoriser et entraver l'apprentissage, en fonction de celles qui colorent l'expérience. Si un enfant est anxieux, stressé ou triste, son attention sera attirée par ces émotions, ce qui nuira à sa capacité d'apprentissage.
Les émotions positives, en revanche, peuvent être employées pour promouvoir l'engagement, la motivation et la réussite des élèves. Elles activent le système de récompense du cerveau et favorisent la concentration et l'attention. Elles peuvent également permettre aux élèves d'élargir leurs perspectives, d'envisager d'autres solutions, de persévérer face aux défis et de réagir efficacement aux critiques et aux échecs.
Donc, si vous essayez d'enseigner ou d'encadrer un individu ou un groupe, soyez conscient de son état émotionnel et assurez-vous d'utiliser cette information pour façonner votre pratique.
Jean-Philippe Courtois : Et qu'en est-il aussi, Nadia, parce que je sais que vous en avez parlé justement un petit peu, vous avez même, je pense, une liste de 10 règles, on ne va peut-être pas aller sur les 10, mais sur cet apprentissage règle d'or un petit peu ou règle d'or ou principe, et je vous avais entendu parler du fait qu'il y a un peu un mythe aussi sur le fameux processus d'apprentissage pour certains qui est par la lecture, d'autres qui est par la vision, d'autres qui est par le mouvement, la kinésie, qu'en est-il de ça ? C'est vrai, c'est pas vrai ?
Nadia Medjad : Alors, quand on interroge les personnes, on s'aperçoit qu'elles ont des préférences. Il y a des personnes qui vont vous dire, moi je préfère lire le texte, moi je préfère voir des images, moi je préfère qu'on me raconte l'histoire. Donc ça, ce sont des préférences et on a cru que c'était des modalités. En réalité, quand on prend toutes ces personnes qui ont des préférences différentes et qu'on les examine à la lueur de ce qui se passe dans leur cerveau, on s'aperçoit qu'elles utilisent tout. Elles utilisent tout et leur apprentissage est d'autant plus riche qu'on leur donne à voir, qu'on leur donne à entendre, qu'on leur donne éventuellement à toucher. Voilà ! C'est-à-dire que plus les sens vont être stimulés, plus l'apprentissage va être facilité. C'est pour ça, moi quand je donne une conférence, j'ai tout le temps un support visuel, parce que je sais que le fait de pouvoir combiner le fait d'écouter avec des images, ça va aider, ça va faciliter l'attention et ça va aider la compréhension et la mémorisation.
Jean-Philippe Courtois : Donc c'est vraiment, finalement, utiliser des méthodes multisensorielles qui vont stimuler tous les sens de la personne pour l'engager encore plus profondément.
Nadia Medjad : Tout à fait.
Jean-Philippe Courtois : Alors, toujours sur ces processus d'apprentissage, vous donniez une belle image, en vous entendant aussi dans l'une de vos interventions, sur la manière dont on va entretenir sa mémoire et creuser un sillon, un peu comme un sillon, dans une neige toute fraîche le matin, mais une trace j'allais dire, mais une trace qui va être peut-être éphémère en comparaison avec une trace beaucoup plus profonde, bien entendu. Donc quelle est la manière de creuser cette trace dans cette mémorisation dans notre cerveau ? C'est un grand sujet, pas que pour des étudiants, pour beaucoup d'entre-nous quel que soit notre âge, de lecture, d'apprentissage et si ce n'est pas le jour d'après, la semaine d'après, le mois d'après ont disparu alors que d'autres sont profondément ancrés en nous. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Nadia Medjad : Tout à fait. Alors, il y a différents processus. Il y a déjà le fait qu'en termes de mémorisation, c'est l'éloge de l'effort. Je m'explique. Moi, quand j'ai fait mes études de médecine, je passais mon temps à relire mes cours, à les surligner, et je pense que la plupart des étudiants font encore comme ça aujourd'hui. Ce n’est pas la bonne méthode pour mémoriser. La meilleure méthode, c'est je prends une feuille blanche et je me presse le citron pour essayer de me rappeler de ce que j'ai retenu du cours même si j'ai pas été très attentif. Et en faisant cet effort de mémorisation, quand je vais aller voir la réponse après, elle va s'ancrer beaucoup plus profondément et la beauté de la chose, c'est que même si je ne trouve pas la réponse, au moment où je vais la voir, elle va s'inscrire plus profondément. Donc, ça, c'est une première chose, ça s'appelle la pratique délibérée. Moi, je conseille à tous ceux qui veulent mémoriser, voilà, de partir de la page blanche et de faire l'effort d'aller chercher ce qui reste.
Jean-Philippe Courtois : Ouais.
Nadia Medjad : Ça, c'est une première chose. Une deuxième chose, c'est ce que vous disiez, Jean-Philippe, c'est la fragilité de cette trace. Quand on crée une première trace dans la mémoire, ce sont des neurones qui se relient les uns aux autres.
Jean-Philippe Courtois : Ouais.
Nadia Medjad : Cette trace, elle est très fragile et pour la consolider, il va falloir passer plusieurs fois dessus. Alors, il faut savoir que la première trace, elle dure à peine 24 ou 48 h. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il va falloir repasser dessus dans les 48 h.
Jean-Philippe Courtois : Ouais.
Nadia Medjad : Quand on est passé deux fois, elle s'est un peu solidifiée, donc on va pouvoir passer un peu plus tard, une semaine après, puis un mois après. C'est ce qu'on appelle l'espacement.
Jean-Philippe Courtois : Ouais.
Nadia Medjad : Donc, une pratique espacée croissante dans le temps. C'est-à-dire que si je dois réviser 3 fois mon cours, pour que ce soit optimal, je le fais une fois dans les 24 h, une fois une semaine après, une fois un mois après, en prenant ma page blanche à chaque fois et je me donne le maximum de chance de retenir ce que j'ai appris.
Jean-Philippe Courtois : Voilà un bon conseil pour nos auditeurs sur l'ancrage d'un certain nombre de connaissances. J'aimerais qu'on revienne un petit peu, bien sûr toujours sur l'émotion, Nadia, la manière dont elle fonctionne et je sais que vous utilisez souvent en référence à notre fonctionnement biologique… La manière dont on peut appuyer ou on appuie en le sachant ou pas d'ailleurs, ça serait intéressant de connaître votre avis là-dessus, sur notre accélérateur et sur notre frein. Voilà, on a un accélérateur et un frein au moment où ces émotions sont créées. Alors, j'aimerais que l’on comprenne avec vous comment ça se passe, comment on freine ou on accélère au volant de notre cerveau au moment où jaillit l'émotion.
Nadia Medjad : Alors ce frein et cet accélérateur auxquels vous faites référence, c'est notre système nerveux autonome. Alors, on a un système nerveux volontaire, par exemple, si je décide de lever le bras, j'y arrive, par contre si je décide de contracter mon estomac, j'y arrive pas, vous voyez. Ou si je décide de ralentir mon cœur, j'y arrive pas. Ça, c'est le système nerveux autonome qui par définition n'est pas accessible à la volonté. Donc, ce système nerveux autonome, il a un frein et un accélérateur. Pourquoi ? Pour nous permettre de nous adapter à notre environnement.
Alors, l'accélérateur se met en route quand on a des challenges et qu'il faut faire face, quand on a du stress, par exemple, le cœur s'accélère, il y a plus d'oxygène qui arrive au cerveau, on est dans une condition de capacité maximale, mais qui est coûteuse en énergie. C'est pour ça qu'on a un frein, parce que le frein va nous permettre de ralentir et de récupérer. Alors, l'une des difficultés qu'on rencontre aujourd'hui, c'est qu'on a le pied sur l'accélérateur en permanence.
Pourquoi ? Parce qu’on est entraînés par une accélération du temps qu'on a connu ces dernières années et on sent bien qu'il y a une pression pour aller plus vite. Alors, ça, l'organisme, il sait faire immédiatement, puisque c'est vraiment une question de survie d'accélérer le cœur, etc. Donc on n'a pas besoin d'apprendre à accélérer, ça se fait tout seul.
Jean-Philippe Courtois : C'est automatique, en fait.
Nadia Medjad : Oui, c'est tout à fait automatique. Par contre à force d'accélérer tout le temps, là comme on accélère ces derniers temps, on a du mal à récupérer et ça, le frein, ce n’est pas quelque chose qui se met en place de façon aussi automatique. C'est quelque chose qui est devenu nécessaire d'apprendre dans notre société, parce que nous vivons dans des conditions qui ne sont pas celles pour lesquelles nous avons été prévus. Nous sommes toujours actuellement programmés pour vivre dans la nature, en mouvement, toute la journée en mouvement, en petits groupes avec des prédateurs naturels et des ressources limitées. Nous sommes programmés pour ce modèle-là.
Jean-Philippe Courtois : Génétiquement, on vient de là. Clairement. Et c'est toujours là.
Nadia Medjad : Oui. On est toujours comme ça.
Jean-Philippe Courtois : Toujours comme ça.
Nadia Medjad : Voilà ! Or on vit dans un monde qui est bétonné, avec des mégapoles, ce n’est plus du tout ce pourquoi nous étions programmés, du coup ça crée certaines difficultés et en particulier, on est dans une course, ce que les Américains appellent la rat race, la course des rats, ce n’est pas très élogieux, mais c'est quand même assez réaliste et donc cette rat race là qui nous entraîne fait qu'on accélère spontanément. Et le problème, c'est qu'on a du mal à ralentir et quand on a du mal à ralentir, c'est comme un sportif qui ferait tout le temps des efforts et qui ne saurait pas récupérer. La performance n'est pas au rendez-vous, le bien-être n'est pas au rendez-vous.
Jean-Philippe Courtois : On s'épuise en fait.
Nadia Medjad : On s'épuise. Exactement. Parce qu'on puise trop dans ses réserves sans les reconstituer. Donc aujourd'hui, il est devenu nécessaire d'apprendre à ralentir.
Jean-Philippe Courtois : Comment va-t-on ralentir en fait ? Et comment créer une culture du ralentissement dans une vie, une société dans laquelle tout nous pousse à accélérer où tout nous pousse à être notifiés, à être sans arrêt sensibilisés ou avertis de quelque chose qui a une importance finalement très souvent extrêmement secondaire. Donc, comment on peut être plus conscient sur son ralentissement, Nadia ?
Nadia Medjad : Alors, c'est un apprentissage. C'est l'apprentissage, et d'ailleurs qui est extrêmement important pour le leadership, c'est l'apprentissage de ce que les Américains appellent la self-awareness qui n'a pas de vraie traduction en français. La self-awareness, ça recouvre deux choses, ça recouvre la conscience de soi, c'est-à-dire justement là tout de suite à cette seconde, quel est mon état ? Est-ce que je suis en état tranquille ou est-ce que je suis en état accéléré. La première étape, ça va être de prendre conscience de ce que vit notre corps.
Or vous avez vu à quel point nous sommes collés dans notre intellect et nos pensées, nous sommes très souvent déconnectés de notre corps, donc là il y a un apprentissage à faire. Voilà ! Nous sommes des êtres incarnés. Il faut quand même prendre en compte ce qui se passe en nous. Donc déjà, c'est d'aller voir dans quel état on est.
On peut avoir l'impression d'être comme un joueur de poker, vous savez, avec la poker face. Et on voit à quel point les dirigeants essaient de masquer leurs émotions. Souvent, ils ont un visage un petit peu figé. Eh bien, ça ne sert à rien de faire ça, parce que ça passe en wifi.
Jean-Philippe Courtois : C'est le wifi de la confiance finalement dont vous parlez, le wifi nerveux, je sais pas comment l'appeler.
Nadia Medjad : C'est une wifi émotionnelle on va dire ou nerveuse.
Jean-Philippe Courtois : Une wifi émotionnelle.
Nadia Medjad : Voilà ! Nous sommes connectés à un niveau inconscient…
Jean-Philippe Courtois : Inconscient, ouais.
Nadia Medjad :… qui fait qu'on capte ce qui se passe chez l'autre. Parfois, on n'est pas conscient que c'est ça qu'on capte, mais c'est ça. Ça vous est sûrement arrivé de rencontrer une personne pour la première fois et de vous sentir soit extraordinairement bien, soit extraordinairement mal…
Jean-Philippe Courtois : Absolument.
Nadia Medjad :Et vous vous dites, mais comment ça se fait ? Mais en fait, c'est l'autre qui vous a…
Jean-Philippe Courtois : Diffusé…
Nadia Medjad : Diffusé son état.
Jean-Philippe Courtois : Des ondes positives ou au contraire des vibrations très anxieuses ou menaçantes des fois même. Pourquoi pas, ouais.
Nadia Medjad : Tout à fait. Et l'influence… Alors, qu'est-ce qui fait que l'influence se fait dans un sens et pas dans l'autre ? C'est lié au niveau hiérarchique. Parce que nous sommes une espèce sociale qui fonctionne de façon hiérarchique qu'elle le veuille ou pas et ce sont les individus qui sont les plus hauts dans la hiérarchie… Bon, parlons du travail. Les dirigeants vont avoir une influence extraordinaire sur l'état de leurs équipes.
Jean-Philippe Courtois : La conscience de soi, c’est-à-dire la capacité à reconnaître et à comprendre ses émotions, est très importante lorsque l'on occupe un poste de direction. En effet, comme l'explique Nadia, les leaders exercent une influence considérable sur les sentiments, les perceptions et les comportements des autres membres de l'équipe.
Et ce flux émotionnel peut être négatif ou positif.
Si vous voulez que les membres de votre équipe donnent le meilleur d'eux-mêmes, ils doivent se sentir en sécurité, ce qui signifie que vous devez d'abord vous sentir en sécurité.
Le leadership positif commence par soi-même et se propage vers l'extérieur.
Vous pouvez décider d'être un "stimulant émotionnel positif" pour d’autres personnes au travail. Cela signifie que vous offrez au moins trois signes positifs (sous forme de sourires, de commentaires positifs, de félicitations, etc.) pour chaque signe négatif que vous émettez, qu'il s'agisse d'une critique, d'un froncement de sourcils, etc. Votre positivité peut être contagieuse et rendre votre lieu de travail plus agréable et plus fructueux.
J'aimerais justement poursuivre un petit peu sur le même sujet, totalement le même sujet, Nadia, sur cette confiance. Moi, je l'ai appris aussi à la fois en le faisant bien et beaucoup moins bien en faisant des erreurs évidemment, répétées, combien il était critique de bâtir cette confiance avec des personnes dans ma relation avec les autres, notamment en milieu professionnel et pas uniquement, pour créer un sentiment de sécurité pour les autres finalement. Le sentiment de sécurité ouvrait tellement d'opportunités après pour que les autres apportent le meilleur d'eux-mêmes dans ce qu'on voulait entreprendre ensemble.
Il y avait une étude intéressante faite par Edelman qui chaque année fait son rapport un petit peu sur la confiance dans le monde, l'état de la confiance dans le monde, et dans ce rapport Edelman ce qui est dit, c'est que la méfiance est aujourd'hui l'émotion par défaut dans la société, 64 % des personnes interrogées ont répondu qu'on était arrivé à un point où les gens sont incapables d'avoir des débats constructifs et civils sur des questions sur lesquelles ils ne sont pas d'accord, ce qui est quand même dramatique. Et récemment, toujours sur le même sujet, j'ai accueilli dans mon podcast Stephen M.R. Covey, qui est le fils du fameux Covey sur les 7 habitudes de leaders de haute performance et qui nous a donné des conseils pratiques autour de cette confiance dans une équipe et donc ce que j'aimerais, c'est finalement que vous puissiez nous expliquer ce phénomène au plan neurologique. De la confiance qu'on va instiller, diffuser vers des personnes, vers un groupe, une communauté ou une entreprise. Comment ça marche ?
Nadia Medjad : Alors, il faut comprendre que la confiance, c'est à la fois une décision et une émotion. C'est je décide de faire confiance à cette personne et je lui donne sa chance, ça, c'est une décision. Mais en parallèle de ça, il y a une émotion. C'est quoi ? C'est notre intuition qui nous dit, je sens que je peux lui faire confiance ou pas. Pourquoi est-ce que la confiance a une importance extraordinaire ? Parce que d'un point de vue biologique, la confiance, c'est l'émotion de la collaboration. Quand il n’y a pas de confiance, il n’y a pas collaboration, parce que ce qui est extraordinaire, c'est que la confiance est un court-circuit que la nature a inventé pour nous permettre de mieux travailler ensemble. Je m'explique. Les rapports humains sont basés sur le principe de réciprocité c'est une loi de l'espèce sociale que nous sommes.
C'est-à-dire je te donne et tu me donnes en retour à hauteur de ce que je t'ai donné. Et nous sommes en permanence à la recherche de cet équilibre. Qu'est-ce que c'est la confiance ? C'est un court-circuit qui se fait dans le cerveau à un moment donné de la relation qui va décider de prendre le risque de dire, cette personne-là le moment venu elle va me rendre autant que je lui ai donné.
Jean-Philippe Courtois : Donc, je peux lui donner sans attendre quoi que ce soit dans l'immédiat.
Nadia Medjad : Voilà ! Absolument. Parce que ça va s'égaliser dans le temps et ça s’égalisera pas forcément avec la même chose, mais peut-être avec autre chose dont j'aurais besoin à ce moment-là, mais ça se fera. Et quand on a cette confiance-là, on accepte de donner sans avoir de contrepartie immédiate.
Jean-Philippe Courtois : Dans le cas du leadership positif que vous connaissez très bien du fait des racines de psychologie positive, il y a ce troisième cercle dont on parle de moi et le monde finalement, moi et ma relation avec le monde, et ma manière d'apporter quelque chose au monde, de contribuer au monde également. Et donc là, je souhaiterais qu'on parle un petit peu des comportements altruistes, comment ça se développe ? Comment se fait-il que des personnes semblent plus naturellement que d'autres prêtes à être altruiste et si ce n'est pas le cas, parce que beaucoup de nos auditeurs peuvent se dire, je ne sais pas finalement si je suis si altruiste que ça au quotidien ou dans en se regardant dans le miroir… Quelle est l'opportunité qu'ils ont à développer cet altruisme ? Quels seraient les conseils, si je peux me permettre de leur donner, pour développer ce regard altruiste vers le monde ?
Nadia Medjad : Alors, déjà c'est important de prendre conscience de sa vision de l'humanité, parce qu'il y a deux visions de l'humanité. Il y en a une qui consiste à dire, je pense que l'homme est globalement digne de confiance et ma posture par défaut c'est de faire confiance à l'être humain et il y a l'autre groupe qui est, je pense que par nature l'homme est mauvais et donc ma position par défaut va être la méfiance. Alors ça, ça va être lié à un tas de choses, mais en particulier aux premières expériences qu'on a faites dans la vie, si on a été trahi, si on a été abandonné… Voilà ! Les premières expériences de la vie vont façonner notre vision de l'humanité. La première étape, ça va être de prendre conscience de la vision qu'on a de l'humanité et de se dire, ça, c'est une croyance que j'ai. Voilà ! Est-ce que cette croyance, elle m'est utile aujourd'hui ou pas ? Ça va être la première question. Et il va falloir après… C'est pas facile de désapprendre les croyances, vous le savez.
Jean-Philippe Courtois : Surtout sur une vision du monde que l'on a et que l'on a élaborée pendant des années. Voilà ! Il y a sa famille, ces milieux, cette communauté dans lesquelles on a grandi. C'est très compliqué de revoir sa vision du monde.
Nadia Medjad : Tout à fait. Il faut savoir que la nature joue quand même en notre faveur, parce qu’il s'avère qu’au départ quand on prend des enfants… Les expériences qui sont faites sur les enfants tout petits montrent que l'enfant tout petit a des réactions altruistes. Qu'est-ce qui va se passer après ? C'est qu'il va y avoir des conflits d'intérêts. Est-ce que je suis prêt à sacrifier un peu de mon argent, un peu de mon bien-être, un peu de mon temps pour aider l'autre sans être sûr de recevoir en retour ? Donc, on est soumis à des conflits d'intérêts, mais il y a une partie de nous instinctive qui sait que notre sort est lié au sort du groupe et que c'est dans notre intérêt d'être altruiste envers quelqu'un, envers l'étranger.
Jean-Philippe Courtois : D'aider le groupe, d'aider l'étranger.
Nadia Medjad : Voilà ! Parce qu’un jour, je peux avoir besoin de lui. Donc, l'altruisme est en réalité un instinct biologique de survie. On met beaucoup de valeur autour de ça, mais la biologie, elle se moque des valeurs, la biologie, elle est là pour nous permettre de survivre. Or la survie de l'homme est liée à la survie du groupe. Et le COVID nous a montré ça. Ce qui se passe dans les pays pauvres a un impact sur nous. On ne peut pas vivre dans son bocal sans tenir compte des autres, parce que ça va nous revenir en boomerang un jour ou un autre.
Jean-Philippe Courtois : Bien que la théorie de la sélection naturelle de Darwin et la « survie du plus apte » impliquent un monde machiavélique dans lequel les individus se forgent un chemin vers le sommet, nous savons aujourd'hui que certains types de comportements sociaux, dont l'altruisme, sont souvent génétiquement programmés par une espèce pour l'aider à survivre.
Une étude récente de l'université de Georgetown a montré que les personnes qui font preuve d'un comportement altruiste fort ont une amygdale droite - la partie du cerveau qui nous aide à ressentir certaines émotions et à les percevoir chez les autres - plus active et, dans certains cas, plus grande. Ces résultats suggèrent qu'au moins une composante de l'altruisme profond est liée à la capacité neurologique de percevoir la peur et la vulnérabilité des autres et d'éprouver de l'empathie à leur égard.
En d'autres termes, parce que vous êtes plus sensible à ce que ressentent les autres, y compris les étrangers, vous êtes plus susceptible de vouloir les aider dans une situation difficile. Lorsque vous les aidez à atténuer cette peur, vous vous sentez également mieux.
Jean-Philippe Courtois : Vous avez dit que pour être plus heureux et en meilleure santé, nous devrions écouter davantage nos émotions. En pratique, pour nos auditeurs, à nouveau, les aider, nous aider, comment faire pour écouter d'abord ses émotions et puis après peut-être les calmer pour vous concentrer sur ce que vous devez réaliser ?
Nadia Medjad : Alors, la beauté de la chose, c'est que quand on écoute son émotion, on est déjà dans un processus de la calmer. Pourquoi ? Parce que l'émotion est un signal biologique. Donc, quand on n’écoute pas un signal biologique, il va revenir jusqu'à ce qu'on en tienne compte. Qu'est-ce que ça nous dit une émotion ? Quand on a peur, notre émotion nous dit, tu as besoin de te procurer de la sécurité. Quand on est en colère, notre émotion nous dit, tu as besoin de te faire respecter ou tu as besoin d'être traité de façon plus juste. C'est un besoin essentiel. Les besoins psychologiques sont aussi forts que les besoins physiques.
Si vous voulez, ne pas prendre en compte ces émotions, c'est comme si, vous voyez le tableau de bord d'une voiture ? Quand le clignotant rouge/orange se met en place quand il commence à manquer de l'eau ou de l'essence, c'est comme si vous mettiez un sticker noir sur le truc orange.
Jean-Philippe Courtois : On l'ignore.
Nadia Medjad : Voilà ! Et nous, dans notre culture cartésienne, on a appris à mépriser nos émotions et les réprimer. Donc, quand on sent la tristesse qui monte, quand on sent la peur qui monte, qu'est-ce qu'on fait ? On va mettre le sticker noir dessus en disant, je ne veux pas de ça. Et en faisant ça, qu'est-ce qu'on fait ? L'émotion, elle va revenir deux fois plus fort, puisqu'elle n’a pas été entendue et que c'est son rôle.
Jean-Philippe Courtois : Donc, il faut l'accueillir, accuser réception, on le disait tout à l'heure de cette émotion. Donc savoir l'écouter, mais aussi savoir, comme on en a parlé, la calmer à un moment donné pour qu'elle ne devienne pas omniprésente, envahissante d'une manière obsessionnelle, parce que là ça devient compliqué.
Nadia Medjad : Tout à fait. Alors, quand l'émotion est très forte, il va falloir passer par le corps pour la calmer. Moi, souvent, je dis à mes clients, voilà, tu sais quand ça ne va pas bien dans la tête, tu mets le corps en mouvement.
Jean-Philippe Courtois : Tu bouges. Tu commences à bouger, à marcher, à sortir…
Nadia Medjad : Exactement. Parce que si c'est de la colère ou de la peur, c'est une énergie désordonnée qui a besoin de sortir. Donc, on met le corps en mouvement et là on revient aux fondamentaux de ce pour quoi on est fait, en mouvement dans la nature. Quand on se met en mouvement dans la nature, on commence déjà à calmer toutes ces émotions sans avoir rien fait d'autre.
Donc, il va falloir mettre le corps en mouvement et il va falloir apprendre à dialoguer avec soi-même. Ça, c'est les apprentissages qu'on faisait avant uniquement chez le psy et qu'on fait maintenant avec un coach dans une entreprise, parce que c'est devenu nécessaire. Quand on se dit à soi-même… Quand on a la petite voix dont vous parliez tout à l'heure qui dit, voilà, de toute façon, tu n'es pas doué là-dedans, tu ne vas jamais y arriver, eh bien cette petite voix, il faut apprendre à lui répondre comme si on était son propre avocat. C'est OK, je t'entends. Tu aimerais mieux que je ne fasse pas comme ça, on va pas courir le risque de se planter, mais qu'est-ce qui se passerait si tu le faisais et que ça se passait bien ? Il y a aussi des bénéfices. Donc, on va négocier avec soi-même et ce dialogue intérieur, il est extrêmement important. Et puis il y a des techniques toutes simples. Par exemple, moi j'apprends aux personnes quand elles commencent à partir en vrille, je dis, bon tu vas faire le tour du pâté de maisons en courant ou en marchant vite, tu fais ça 10 minutes, tu reviens à ton bureau, tu prends une feuille, tu vas faire deux colonnes.
Qu'est-ce qui est sous mon contrôle ? Qu'est-ce qui est hors de mon contrôle ?
Jean-Philippe Courtois : Oh oui, ça, c'est très important.
Nadia Medjad : Je vois que ça vous parle !
Jean-Philippe Courtois : Oui, ça me parle beaucoup, parce que dans ma vie professionnelle aussi et personnelle depuis pas mal d'années, c'est une méthode que j'ai utilisée. Alors, sans l'écrire nécessairement chaque fois sur une feuille, mais je trouve que c'est très bien de verbaliser les choses et de rester extrêmement lucide sur qu'est-ce que je suis capable vraiment de contrôler ?
Pour ne pas s'épuiser à des tâches impossibles, à des défis impossibles sur lesquels je n'ai aucun contrôle. Alors, là où ça un impact, il y a une marge de manœuvre, il y a une possibilité, il pas de l'audace à avoir absolument. Mais par contre, l'épuisement sur les moulins qui tournent, Don Quichotte, non, c'est une dépense énergétique, mentale incroyable…
Nadia Medjad : Incroyable et inutile. Et là, on rejoint l'attention.
C'est je note que mon attention est portée sur les choses que je ne peux pas contrôler. Je vais ramener mon attention sur ce que je contrôle et je vais me mettre en action sur ce que je contrôle et cette mise en action elle va nous calmer.
Jean-Philippe Courtois : Alors, Nadia, on arrive vraiment à la dernière question et j'en suis désolé parce que j'avais encore mille autres questions à vous poser et généralement je finis en posant une question à mes invités sur leur pourquoi, parce que finalement on a fait tout ce voyage ensemble dans notre cerveau, dans nos neurones, dans cette énergie de l'émotion et bien d'autres notions ensemble. Alors, j'aimerais savoir, que vous puissiez partager avec nous finalement le sens de ce que vous faites, l’expression de votre mission si vous l’avez verbalisée… On parlait souvent de la pose délibérée tout à l’heure, l’approche délibérée où on écrit ce qu’on a appris, on vient de parler à l’instant de faire le tour de pâté de maisons et puis après écrire ce que je contrôle, ce que je ne contrôle pas, je ne sais pas… Est-ce que vous auriez formalisé une forme de mission personnelle et finalement de la trace que vous avez envie de laisser derrière vous. Voilà ! Au-delà de prétentions en se disant, oh la trace qu’on va laisser historique, etc., mais chacun d’entre nous va laisser une trace quelle qu’elle soit, à nous de décider me semble-t-il ce qu’elle peut être, ce que l’on souhaite qu’elle soit. Quelle est la vôtre, Nadia ?
Nadia Medjad : Alors, ma trace, mais je l'ai compris longtemps après… Ma trace à moi, c'est que moi, je suis née anxieuse et hypersensible, donc j'étais en permanence envahie par des émotions négatives qui me faisait trébucher, qui entravait ma vie, qui m'empêchait de faire ce que je voulais faire et qui m'empêchait de profiter de la vie aussi.
Donc très tôt, j'ai voulu calmer cette douleur intérieure et je suis partie à la recherche de plein de choses, c'est pas par hasard que j'ai fait médecine, le médecin, c'est celui qui calme la douleur. Et j'ai découvert qu'en apprenant à calmer ma douleur, je n’étais pas la seule à avoir cette douleur intérieure et que d'apprendre à me calmer allait me permettre d'aider les autres à se calmer aussi. En gros, c'est un peu aide toi et le ciel t'aidera. C'est-à-dire qu'en travaillant sur toi-même tu acquiers des compétences que tu vas pouvoir mettre au service des autres et moi ma mission aujourd'hui, c'est de calmer la souffrance, calmer la douleur, calmer tout ce qui nous empêche à la fois d'avancer et de vivre mieux et voilà, de partager ça et de diffuser ça, parce que nous sommes équipés de tout ce qu'il faut pour que ça se passe bien, mais aussi de tout ce qu'il faut pour que ça se passe mal et apprendre à discerner le fonctionnement de tout ça et à faire des choix plus éclairés, parce que souvent les choix nous sont dictés, par ce que nous ressentons et on n'est pas dans le libre arbitre. Si je m'enfuis, parce que j'ai peur, je ne suis pas dans le libre arbitre. Qu'est-ce qui va faire que je vais surmonter mon envie de fuir et que je vais quand même y aller ? Là, je suis dans le libre arbitre. Donc, c'est une recherche de liberté intérieure d'abord et de transmission de ça ensuite.
Jean-Philippe Courtois : Calmer ses angoisses, alléger ses propres souffrances pour mieux vivre ensemble. Elle souligne vraiment l'importance de prendre soin de soi, de se donner la permission de se détendre mentalement, physiquement et spirituellement.
La pandémie nous a appris que lorsqu'on prend soin de nous-mêmes, on prend également soin de sa famille, de ses amis et de sa communauté. Nous devons apprendre à nous appuyer sur notre interdépendance et à nous réjouir de savoir que lorsque je prends soin de moi, je prends aussi souvent soin des autres.
Merci beaucoup, Nadia, et au plaisir de vous lire dans vos prochains ouvrages, de vous entendre dans vos conférences.
Nadia Medjad : Merci à vous, Jean-Philippe. Grâce à vous, je viens de passer une heure extrêmement riche et agréable et je vous en suis reconnaissante.
Jean-Philippe Courtois : Merci.
Nadia Medjad : Au revoir.
Jean-Philippe Courtois : Vous avez écouté le podcast sur le leadership positif avec moi Jean-Philippe.
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