Positive Leadership

[FR] Cinq leçons de leadership positif

November 08, 2023 Jean-Philippe Courtois Season 7 Episode 6
Positive Leadership
[FR] Cinq leçons de leadership positif
Show Notes Transcript

Des coachs aux neuroscientifiques, des entrepreneurs sociaux aux PDG animés d'une vision, les invités de JP aux épisodes francophones du podcast #PositiveLeadership ont été immensément généreux en partageant leurs histoires personnelles, leurs points de vue et leur sagesse au cours des deux dernières années. 

Alors, quelles sont les cinq principales leçons de leadership positif que JP a tirées de ces conversations ? 

Écoutez le dernier épisode spécial du podcast pour le découvrir.

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Jean-Philippe Courtois : J'ai vécu une expérience incroyable en réalisant ce podcast ces deux dernières années. J'ai eu la chance unique de parler à des leaders enthousiasmants qui œuvrent chaque jour pour changer le monde. Mes invités ont fait preuve d'une immense générosité en partageant leur histoire personnelle, leurs connaissances et surtout leur sagesse.

 

Lucie Bash :  Comment est-ce que c'est possible de créer une entreprise qui génère un bénéfice économique autant qu'elle génère un bénéfice social et écologique?

 

Jean-Philippe Courtois : Il faut qu'on essaye de faire ce qu'on peut pour la changer. Ça marche, ça ne marche pas, tant pis, on aura essayé.

 

Hubert Joly :  En tant que leader, on se voit même clair sur qui on est et quel est le sens de notre propre vie.

 

Jean-Philippe Courtois : Alors, quelles sont les cinq grandes leçons de leadership que j'ai pu retirer de ces conversations? Et surtout, comment les appliquer au mieux à votre propre pratique du leadership? Je m'appelle Jean-Philippe Courtois. Bienvenue dans cette édition spéciale de Positive Leadership, le podcast qui vous aide à progresser en tant que personne, dirigeant et aussi en tant que citoyen au sens le plus large du terme. C'est en nous- mêmes que nous devons commencer à faire ce travail sur le leadership positif. Développer la conscience de soi est important. Être curieux de qui l'on est, et apprendre à relâcher ses défenses. Selon la docteur Nadia Medjad, spécialiste des neurosciences, lorsqu'on occupe un poste de direction, il est particulièrement important de chercher à transformer son état d'esprit, et à le réorienter du négatif vers le positif.

 

Nadia Mejad : : Pourquoi la « self-awareness », c'est important, en particulier pour les dirigeants, les leaders? C'est prendre conscience de son état à un instant T, parce que si on est en état d'insécurité, c'est- à- dire quand l'accélérateur est tout le temps en marche, ça crée dans l'organisme un état d'insécurité. Parce que quand le cœur s'accélère, c'est face au danger. Donc, si mon cœur s'accélère, mon inconscient se dit « On est en état d'insécurité. » Donc, si je suis en état d'insécurité, je vais communiquer ça à mes équipes. On va le sentir et ça fonctionne comme une Wi-Fi.

 

Jean-Philippe Courtois : Et bien sûr, personne n'est une île émotionnelle. Notre humeur se diffuse en permanence autour de nous. C'est un phénomène appelé contagion émotionnelle qui peut se propager plus vite que même sur Internet.

 

Nadia Mejad : La « self-awareness », ça recouvre deux choses. Ça recouvre la conscience de soi, c'est-à-dire justement, là, tout de suite, à cette seconde, quel est mon état?

 

Jean-Philippe Courtois : Oui

 

Nadia Mejad : Est-ce que je suis en état tranquille ou est-ce que je suis en état accéléré? La première étape, ça va être de prendre conscience de ce que vit notre corps.

 

Oui. Or, vous avez vu à quel point nous sommes collés dans notre intellect et nos pensées. Nous sommes très souvent déconnectés de notre corps. Donc là, il y a un apprentissage à faire.

 

Jean-Philippe Courtois : Hmmm.

 

Nadia Mejad : Parce que quand le cœur s'accélère, c'est face aux dangers.

 

Jean-Philippe Courtois : C'est clair.

 

Nadia Mejad : Donc, si mon cœur s'accélère, mon inconscient se dit « On est en état d'insécurité. » Donc, si je suis en état d'insécurité, je vais communiquer ça à mes équipes.

 

Jean-Philippe Courtois : Je vais avoir des signaux d'inquiétude qui vont se manifester verbalement, physiquement, émotionnellement, on va le sentir.

 

Nadia Mejad : Qu'on peut avoir l'impression d'être comme un joueur de poker, vous savez, avec la poker face. Et on voit à quel point les dirigeants essaient de masquer leurs émotions. Souvent, ils ont un visage un petit peu figé. Eh bien, ça ne sert à rien de faire ça. Parce que ça passe en Wi-Fi.

 

Jean-Philippe Courtois : C'est le Wi-Fi de la confiance, finalement, dont vous parlez. Oui. Ou le Wi-Fi nerveux, je ne sais pas comment l'appeler.

 

Nadia Mejad : C'est une Wi-Fi émotionnelle.

 

Jean-Philippe Courtois : Émotionnelle, oui.

 

Nadia Mejad : Nous sommes connectés à un niveau inconscient.

 

Jean-Philippe Courtois : Inconscient, oui.

 

Nadia Mejad : Qui fait qu'on capte ce qui se passe chez l'autre. Parfois, on n'est pas conscient que c'est ça qu'on capte, mais c'est ça. Ça vous est sûrement arrivé de rencontrer une personne pour la première fois et de vous sentir soit extraordinairement bien, soit extraordinairement mal. 

 

Jean-Philippe Courtois : Absolument

 

Nadia Mejad : Et vous vous dites « Mais comment ça se fait? » Mais en fait, c'est l'autre qui vous a.

 

Jean-Philippe Courtois : Diffusé.

 

Nadia Mejad : Diffusé son état.

 

Jean-Philippe Courtois : Des ondes positives, au contraire des vibrations très anxieuses ou menaçantes des fois. Pourquoi pas?

 

Nadia Mejad : Tout à fait. Et l'influence, qu'est- ce qui fait que l'influence se fait dans un sens et pas dans l'autre? C'est lié au niveau hiérarchique. Parce que nous sommes une espèce sociale qui fonctionne de façon hiérarchique, qu'elle le veuille ou pas. Et ce sont les individus qui sont les plus hauts dans la hiérarchie. Parlons du travail, les dirigeants vont avoir une influence extraordinaire sur l'état de leurs équipes.

 

Jean-Philippe Courtois : Et la contagion émotionnelle est maximale lorsque les gens sont physiquement proches. Mais, de nouvelles études montrent que les émotions passent également à travers la vidéo, la télévision, les réseaux sociaux et même les e-mails. Alors, comment utiliser la puissance de cette contagion émotionnelle pour créer une dynamique collective plus positive? Soyez conscients d'abord de votre propre état d'esprit. S'il n'est pas constructif pour votre équipe, changez-le. Pour vous mettre dans un état d'esprit plus positif, prenez une minute et imaginez une situation passée dans laquelle vous vous êtes sentis très positif, en harmonie avec vous- même, ou bien une situation future qui vous rendrait très heureux. Essayez de créer une culture émotionnelle positive au sein de l'équipe en faisant preuve de sincérité, d'honnêteté, dans vos actions et vos décisions. Les sentiments de sécurité ouvraient tellement d'opportunités après pour que les autres apportent le meilleur d'eux- mêmes, finalement, dans ce qu'on voulait entreprendre ensemble. Et donc, ce que j'aimerais, c'est finalement que vous puissiez nous expliquer ce phénomène au plan neurologique, de la confiance qu'on va instiller, diffuser vers des personnes, vers un groupe, une communauté ou une entreprise. Comment ça marche?

 

Nadia Mejad : Alors, il faut comprendre que la confiance, c'est à la fois une décision et une émotion. C'est « Je décide de faire confiance à cette personne et je lui donne sa chance. » Ça, c'est une décision. Mais en parallèle de ça, il y a une émotion. C'est quoi? C'est notre intuition qui nous dit « Je sens que je peux lui faire confiance ou pas. » Pourquoi est-ce que la confiance a une importance extraordinaire? Parce que, d'un point de vue biologique, la confiance, c'est l'émotion de la collaboration. Quand il n'y a pas confiance, il n'y a pas collaboration. Parce que ce qui est extraordinaire, c'est que la confiance est un court-circuit que la nature a inventé pour nous permettre de mieux travailler ensemble. Je m'explique. Les rapports humains sont basés sur le principe de réciprocité. C'est une loi de l'espèce sociale que nous sommes. C'est-à-dire je te donne et tu me donnes en retour à hauteur de ce que je t'ai donné. Et nous sommes en permanence à la recherche de cet équilibre. Qu'est-ce que c'est la confiance ? Et bien, c'est un court-circuit qui se fait dans le cerveau à un moment donné de la relation, qui va décider de prendre le risque de dire « Cette personne-là, le moment venu, elle va me rendre autant que je lui ai donné. »

 

Jean-Philippe Courtois : Donc, je peux lui donner sans attendre quoi que ce soit, dans l'immédiat.

 

Nadia Mejad : Absolument. Parce que ça va s'égaliser dans le temps. Et ça ne s'égalisera pas forcément avec la même chose, mais peut- être avec autre chose dont j'aurai besoin à ce moment- là, mais ça se fera. Et quand on a cette confiance- là, on accepte de donner sans avoir de contrepartie immédiate.

 

Jean-Philippe Courtois : Pour aborder la vie de façon plus positive, il est essentiel de développer une conscience de soi. Et bien que cela commence par nos propres comportements et nos propres émotions, ce travail va bien au- delà pour nous aider à créer des liens avec les autres et à bâtir des relations fortes et pleines de sens. C'est aujourd'hui quelque chose de bien connu, mais à la fin des années 90, lorsque Perla Servan-Schreiber a relancé le magazine Psychologie avec son mari Jean-Louis, l'idée de conscience de soi a été jugée révolutionnaire.

 

Perla Servan-Shreiber : Je suis allée voir le patron de Danone à l'époque avec le... Je ne sais pas, ça devait être le deuxième ou le troisième numéro du magazine. Il y avait un article sur l'acupuncture et j'ai vu qu'il s'était arrêté sur ce papier, non pas par une curiosité positive, j'ai envie de dire, mais plutôt par une espèce de frayeur tout d'un coup. Il a vu écrit acupuncture et il m'a dit « Mais vous êtes une secte? »

 

Jean-Philippe Courtois : J'ai trouvé vraiment fascinant de parler avec Perla de son parcours. J'ai été frappé de constater à quel point les attitudes avaient changé depuis. À travers le magazine Psychologie, Perla a contribué à faire de la conscience de soi un art accessible à tous. Et s’est placée à l'avant-garde un nouveau mouvement populaire porté par des gens qui souhaitaient en savoir plus sur eux- mêmes.

 

Perla Servan-Shreiber : Nous avons probablement très modestement contribué à cette progression, à cette évolution des esprits qui était déjà là. Sinon, la mayonnaise n'aurait pas pris. Mais nous avons donné des arguments aux gens pour pouvoir aller de plus en plus là-dedans, aux entreprises, etc. Et ce qu'il y a eu de formidable aussi là- dedans, c'est qu’on a autorisé les gens à exprimer leurs émotions, leurs singularités, y compris dans ce qui leur paraissait à priori négatif, mais au moins, c'était la personne dans son entièreté qui s'exprimait avec de plus en plus une confiance en elle et la conscience de ses limites. Donc, on ne peut avancer qu'avec la conscience de ses limites, non pas parce qu'elles sont là pour toujours, il y en a qu'on peut parfaitement enjamber, mais il y en a avec lesquelles on doit apprendre à fonctionner parce que ce sont nos limites. Donc, je crois que c'est cette intelligence, au sens propre du terme, du fonctionnement de l'individu que nous avons su mettre, et notre équipe bien sûr, en des termes totalement accessibles.

 

Jean-Philippe Courtois : Accessibles à tous

 

Perla Servan-Shreiber : Pas du tout en parlant à des malades, absolument, mais simplement à la complexité de chacun d'entre nous et au fait que nous sommes uniques. Chacun de nous est unique, mais chacun doit vivre en société. Donc, sur ce paradoxe fondamental qui est celui de l'humanité, on peut commencer à avancer.

 

Jean-Philippe Courtois : La conscience de soi passe en partie par l'acceptation de notre propre vulnérabilité, en particulier pour notre capacité à reconnaître nos erreurs, nos échecs, nos défauts, sans présenter d'excuses, sans rejeter la responsabilité sur les autres et sans être sur la défensive. La vulnérabilité émotionnelle peut être vraiment parfois inconfortable, mais elle est si nécessaire si l'on veut progresser. Alors, avançons ensemble justement sur ce grand projet de l'humanité et finalement, au-delà des frontières. Parce que votre magazine, je sais, était non seulement le deuxième magazine féminin le plus populaire de France, mais il a connu aussi une grande réussite à l'international, notamment en Chine, en Russie, en Espagne, lors des pays sur lesquels on se dit aujourd'hui incroyable. Et donc la question que j'ai envie de vous poser, Perla, c'est vous qui avez une dualité de culture aussi marocaine et française, est-ce que dans toutes les cultures, et finalement, quelles qu'elles soient, elles peuvent être grandes, les différents sens de ces cultures. Est-ce que ce que veulent finalement les gens, c'est aussi, vous avez trouvé, c'est apprendre à bien vivre? Est-ce que c'est un dénominateur commun qui traverse les frontières chinoises, russes? Et est-ce qu'il y a une réponse universelle à apporter à cette question de mieux vivre ensemble.

 

Perla Servan-Shreiber : Il y a quelque chose d'universel dans le projet de vivre, certainement. On s'adresse déjà à des gens plus sophistiqués s'il s'agit de vivre sa propre vie. Il y en a pour qui il y en a pour qui il suffit. Déjà, si on arrive à vivre, déjà, on est content. Mais ensuite, il y a de vivre sa propre vie et ensuite, c'est de pouvoir améliorer la connaissance que l'on a de soi et qui nous permet de mieux avoir celle des autres. Lorsque j'ai eu la chance de développer le magazine avec une équipe, bien sûr, en Chine, en Russie, en Italie, en Espagne et en Angleterre. Moi, je me suis occupée de ces pays- là. Voilà. Et débarquée en Chine, j'ai posé la première question, j'ai dit « Est-ce que vous savez ce que c'est qu'un psychanalyste ou un psychologue ou un psychothérapeute? » et on m'a dit « On a un hôpital psychiatrique à Shanghai et il y a un médecin psychiatre. Nous ne savons pas ce que sont, ni les psychologues ni les psychothérapeutes. »

 

Jean-Philippe Courtois : Waouh!

 

Perla Servan-Shreiber : Alors là, j'ai fait « glup » et je me suis dit « On va commencer par quoi? ». « Dites- moi sur quoi vous voulez communiquer? Qu'est-ce qui est essentiel pour vous? « Et ces femmes m'ont dit « On veut simplement pouvoir vivre notre vie convenablement. Ça veut dire savoir éduquer nos enfants, savoir rencontrer des personnes, une personne avec qui on aurait envie de faire sa vie, pouvoir se loger convenablement et sortir de cette promiscuité. Ça, c'était la Russie, c'était terrible à quel point les problèmes de promiscuité, vraiment, au sein d'une même famille, étaient terribles. Il faut dire que quand même, trois quarts des hommes étaient alcooliques, en tout cas à l'époque où je crains que ça ne soit devenu pire, mais enfin bon. Mais à l'époque, c'était comme ça. Donc, c'était tout le monde habitait dans une seule pièce et c'est la grand-mère qui élevait l'enfant unique. Pas simplement l'enfant unique en Chine. Il y avait l'enfant unique en Russie. Il n'était pas imposé, mais c'était impossible d'avoir plus d'un enfant et pouvoir vivre simplement chacun dans sa pièce, et travailler et que nos enfants puissent se développer, aller à l'école. Ça, c'est au fond ce que chaque humain veut, partout.

 

Jean-Philippe Courtois : Et ici, cette incroyable personne qui est Perla Servan-Schreiber nous transmet sa sagesse et son savoir sur le pouvoir de la conscience de soi et sur une expérience humaine à la fois fondamentale et commune à tous, qui transcendent les frontières culturelles, géographiques et sociétales. Le modèle classique du dirigeant héroïque qui sauve la mise, qui sait tout sur tout, qui est la personne bien sûr la plus intelligente du groupe, mais malheureusement qui court trop souvent après le pouvoir, la célébrité, la gloire ou l'argent seulement, ne convient plus à l'environnement professionnel d'aujourd'hui. Bonjour Hubert.

 

Hubert Joly :  Bonjour Jean-Philippe !

 

Jean-Philippe Courtois : Hubert Joly est l'ancien CEO de Best Buy. Et l’Harvard Business Review l'a reconnu comme étant l'un des CEO les plus performants au monde. 

 

Hubert Joly : Pendant très longtemps, j'ai cru que le rôle du leader, c'était d'être le plus intelligent, de s'assurer que tout le monde savait qu'il était le plus intelligent et de dire aux autres quoi faire. Ça, ça ne marche pas. Le rôle du leader, c'est de créer l'environnement dans lequel les autres peuvent s'épanouir.

 

Jean-Philippe Courtois : Et en l'invitant à ce podcast, j'ai trouvé extrêmement intéressant de l'entendre réfléchir sur son propre parcours de leader et expliquer le changement de valeur qui l’a poussé à vouloir laisser un héritage centré sur l'impact.

 

Hubert Joly : Et moi, une erreur que j'ai faite pendant très longtemps, c'était d'avoir la tête déconnectée du reste de mon corps. Et en tant que leader, on a besoin de diriger avec toutes les parties de notre corps, donc notre tête évidemment, mais notre cœur, notre âme, nos tripes, nos oreilles, nos yeux. Voilà, c'est complet. Et d'être capable de connecter très humainement avec nos collaborateurs, en étant capable de parler de quels sont nos défis, quelles sont les difficultés qu'on est en train de rencontrer. Pas forcément que je sois capable de les régler, ces difficultés, mais qu'on puisse connecter là où on est le plus faible, là où on est le plus faible, là où on est le plus vulnérable. C'est là où se ferait la vraie connexion humaine.

 

Jean-Philippe Courtois : Nous sommes nombreux à avoir été éduqués pour penser qu'il fallait faire un choix difficile et binaire entre être quelqu'un de bien ou devenir un leader strict et efficace. Et je pense que c'est une dichotomie illusoire. La vérité, c'est que les choses difficiles sont souvent les plus humaines. Et Hubert, d'ailleurs, l'a bien compris. Lorsqu'il a pris la direction de Best Buy en 2012 au poste de CEO, la situation de l'entreprise était réellement mauvaise. Ses bénéfices trimestriels s'étaient effondrés de 91% et le cours de son action a été à son niveau le plus bas depuis neuf ans.

 

Hubert Joly : À l'époque, tout le monde pense que Best Buy va mourir. Il y a zéro recommandation à l'achat de la part des analystes et les conseils que les analystes et investisseurs me donnent, c'est « Il faut couper ». Donc, il faut fermer les magasins et virer du monde. Moi, j'écoute, j'ai regardé. Tous les magasins, Jean-Philippe, étaient rentables. Donc, je me suis dit, « fermer des magasins, ça ne doit pas être la bonne solution. » Et virer du monde, c'est un peu comme si les collaborateurs étaient le problème.

 

Jean-Philippe Courtois : Lorsqu'il faut redresser la barre, ce qu'on vous dit en général, c'est couper, sabrer, trancher. Mais Hubert, lui, aborde ce type de redressement de façon totalement inverse. Pour lui, il faut commencer par les personnes. Une entreprise est une organisation profondément humaine, composée de personnes qui travaillent ensemble en vue d'atteindre un objectif commun. Et ces personnes produisent de la valeur pour toutes les parties prenantes. Ils sont la source de cette valeur et non pas une simple ressource humaine.

 

Hubert Joly : La première semaine chez Best Buy, je l'ai passée dans un magasin à Saint-Cloud. J'ai essayé de leur dire qu'il fallait dire Saint-Cloud, mais ils ne m'ont pas écouté. Pour écouter et demander aux collaborateurs dans le magasin qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas et de quoi vous avez besoin. Évidemment, j'ai beaucoup appris, mais c'était une des manières de manifester une culture où l'écoute est essentielle et où faire attention, prêter attention et écouter les collaborateurs de terrain était un élément essentiel de la culture.

 

Jean-Philippe Courtois : Non, je crois que c'est tellement important et c'est un bel exemple avec ton badge que je peux imaginer du CEO en apprentissage, je crois. 

 

Hubert Joly : C'est ça. 

 

Jean-Philippe Courtois : En formation. S'il y a eu en formation que tu avais beaucoup de dirigeants entreprises auraient probablement coupé 40% des magasins. Voilà, parce que c'est tellement facile, entre guillemets, de couper des coûts et de régler les chiffres d'abord, tout de suite, bien sûr, il faut savoir le faire. 

Toi, tu as inversé un petit peu tout ça. Explique-nous un petit peu comment tu as pris ce projet de transformation avec toute ton équipe.

 

Hubert Joly : Oui. Les collaborateurs de ce magasin à Saint-Cloud, ils m'ont donné toutes les réponses. Mon job de leader, c'était super simple. C'est écouter, prendre des notes et faire ce qu'il m'avait dit de faire tu vois? Donc, c’était simple. L'autre chose sur l'aspect humain, ça a été de recomposer l'équipe de direction parce que moi, je suis un peu maoïste. Je pense que les poissons pourrissent par la tête. Si l'entreprise est dans le caniveau ou dans le fossé, c'est peut- être qu'il faut regarder au sommet. Ensuite, sur les leviers, moi, j'ai une recette dans les redressements d'entreprises. La priorité numéro 1, c'est la croissance du chiffre d'affaires. Parce que c'est extraordinaire, on le sait tous, la croissance du chiffre d'affaires. 

 

Jean-Philippe Courtois : C'est clair, la croissance.

 

Hubert Joly : Et donc s'intéresser à... On a dû faire ce que les clients nous demandaient de faire. C'est là où on nous a dit « On va avoir les mêmes prix qu'Amazon, on va investir sur notre site, on va réduire les délais de livraison, on va investir dans l'expérience client dans les magasins, on va faire des beaux partenariats avec les grands fournisseurs de la tech, dont Microsoft. Je me souviens très bien d'avoir fait ça en 2013, avoir des magasins Microsoft dans nos magasins. Donc, un, c'est la croissance du chiffre d'affaires. Sur les coûts, on a réduit les coûts en huit ans de deux milliards de dollars, donc ce n'est pas rien.

 

Jean-Philippe Courtois : Pas négligeable.

 

Hubert Joly : Mais en mettant l'emphase d'abord sur la réduction des coûts non salariaux qui, dans la plupart des entreprises, sont l'essentiel de la structure de coût. Les coûts non salariaux, c'est tout ce qui n'a rien à voir avec le personnel. Je vais te donner un exemple. Chez Best Buy, on vend beaucoup de téléviseurs. On a un tiers du marché, grosso modo. Ils sont de plus en plus grands, ils sont fins, donc ils cassent. Donc, tous les ans, tous les ans, on cassait pour à peu près 200 millions de dollars de téléviseurs. On a fait une enquête très poussée. On a trouvé que 0 %, exactement 0 %, des clients voulaient acheter un téléviseur cassé. En tout cas, en travaillant avec les fournisseurs, les transporteurs, les magasins et les clients, si tu peux réduire soit de moitié, c'est une économie, tout le monde est content. Et donc, au final, il y a eu près de 70% de la réduction de coûts qui s'est fait par ce type de réduction de coûts. Ensuite, la dernière chose sur l'aspect humain. En physique, les ingénieurs, on apprend qu'on ne peut pas créer d'énergie, ce qui est un peu dommage en ce moment, ça serait assez pratique. Mais dans une entreprise qui est une organisation humaine, évidemment, on peut créer de l'énergie. Un rôle majeur avec l'énergie positive, le leadership positif, c'est de créer de l'énergie. Comment on crée de l'énergie? En cocréant le plan avec les équipes plutôt que de leur dire quoi faire.

 

Jean-Philippe Courtois : En les impliquant.

 

Hubert Joly : En les impliquant. En commençant la mise en œuvre, on se met en mouvement, on célèbre les premières victoires. S'il y a quelque chose qui ne marche pas, tu vois toi et moi, on a travaillé sur un projet. Ça n'a pas donné les résultats, bon on va se le dire. Tiens, ça n'a pas marché Jean-Philippe, il va falloir qu'on s'y remette. 

 

Jean-Philippe Courtois : C’est autre chose. 

 

Hubert Joly : Et donc voilà, ça, ça a été ce qui a été la clé de la première phase du redressement. C'était l'inverse de ce qu'on nous avait dit qu'il fallait faire. C'était une approche très humaine et qui a donné des bons résultats.

 

Jean-Philippe Courtois : En créant une culture qui faisait des collaborateurs, les actifs les plus précieux de son entreprise, Hubert a réussi à la sauver. Et quand on y songe, sa stratégie était totalement logique. Entretenir un environnement de travail motivant et rassurant dans lequel tous les membres de l'organisation peuvent se sentir à la fois vus et entendus, c'est le cœur même du leadership positif. Lorsque les gens savent qu'ils comptent vraiment, la loyauté vient d'elle-même et vous pouvez atteindre des résultats inimaginables. 

 

Les études montrent qu'aujourd'hui, les personnes, et pas seulement d'ailleurs les générations Z et Y, souhaitent travailler pour des organisations qui ont une véritable mission. Définir la mission de votre entreprise est donc crucial pour plusieurs raisons. Une mission d'abord sert de socle à l'identité de votre organisation, à son orientation, et à sa raison d'être. Il faut donc établir un cadre clair de prise de décision et permettre à chacune et chacun d'harmoniser ses actions avec les objectifs globaux de l'entreprise. OpenClassrooms, une plateforme en ligne qui propose des formations universitaires et professionnelles est l'une de ces très belles entreprises à mission qui présentent ses valeurs de façon transparente. Pierre Dubuc en est le cofondateur et sa passion, tout simplement, est de mettre l'éducation à la portée de tous.

 

Un objectif auquel il a commencé à consacrer son temps libre alors qu'il avait à peine 11 ans. Au tout début, à 11 ans, ce qui est assez incroyable, on ne se rend pas compte. Je pense que la notion de mission, elle n'était peut- être pas innée non plus totalement.

 

Pierre Dubuc : Non, je ne savais même pas ce que ça voulait dire. 

 

Jean-Philippe Courtois : Dix ans plus tard, après avoir créé OpenClassrooms, il s'est rendu compte qu'il fallait définir celle de son entreprise et la formuler de façon claire et précise.

 

Pierre Dubuc : Et on est revenu aux racines du projet, c'est-à-dire, finalement, pourquoi on a créé ça au tout début. C'était en l'occurrence clair que ce n'était pas pour créer une entreprise, puisqu'on n'en a pas créé une 

entreprise pendant dix ans. Donc ce n'était pas ça, ce qui est quelque chose d'original, on va dire, dans l'entrepreneuriat.

 

Jean-Philippe Courtois : Attendre dix ans pour créer son entreprise, c'est quand même quelque chose d'assez exceptionnel.

 

Pierre Dubuc : Exactement. Donc, on voit bien que c'était un projet qui était différent. Et donc, la façon dont on l'aurait exprimé à cet âge- là, puisqu'évidemment, on ne savait pas ce que ça voulait dire « entreprise à mission », d'ailleurs, le concept n'existait même pas à l'époque. Avec nos mots de l'époque, on aurait dit « aider des gens », « créer les cours qu'on aurait voulu avoir », « créer les cours accessibles, compréhensibles », ce genre de choses. Ensuite, on a associé ça à une démarche de co-construction avec l'équipe de l'époque. On l'a fait quand on était à peu près une cinquantaine de personnes. On a fait des ateliers avec tous les salariés en disant « Selon vous, quelle est la mission de l'entreprise? Quelle est sa raison d'être? » Et donc on faisait un peu des brainstormings, on animait tout ça en petits groupes.

 

Jean-Philippe Courtois : Vous avez aussi invité des clients ou des bénéficiaires qui utilisaient vos…

 

Pierre Dubuc : Exactement. Les parties prenantes, les fameuses parties prenantes, les clients, les bénéficiaires, les étudiants, les profs, les entreprises, les employeurs, tous les gens qui gravitent autour du modèle, on leur a posé aussi ces questions- là, « Selon vous, c'est quoi Open Classroom? » Et donc est revenue cette notion, bien sûr, d'éducation qui est au cœur du modèle et la notion, le mot « accessible » revenait régulièrement, très souvent. On a trié un peu tout ça, on a raffiné, on a essayé de travailler avec Mathieu, avec un de nos collègues qui s'appelle Thomas, et jusqu'à arriver à définir cette mission très précise qui est « Make Education Accessible », rendre l'éducation accessible. 

 

Jean-Philippe Courtois : À tous. 

 

Pierre Dubuc : Même pas à tous, c'est « Make Education Accessible ». Très simple. En trois mots. En trois mots, c'est très, très simple et en même temps très puissant, parce qu'on est vraiment capable d'expliquer le poids et la signification de chaque mot derrière l'accessibilité. C'est l'accessibilité pédagogique, financière, de handicap, géographique, spatio- temporel. « Make » c'est la notion de « craftsmanship », c'est vraiment de créer au sens de façonner et pas de répliquer. Il y a une notion d'innovation. Il y a toute une sorte de petit manifesto derrière chaque mot qui est très pesé

 

Jean-Philippe Courtois : Cependant, travailler sur une mission que l'on a choisie soi-même est une chose, mais donner envie à d'autres de travailler avec nous pour cette mission en est une autre. Pour que chaque membre de l'équipe s'approprie son travail et ses décisions en vue de faire réussir sa mission, il faut qu'ils se sentent intégrés à tous les niveaux de l'entreprise.

 

Pierre Dubuc : Ça veut dire que la stratégie de l'entreprise, avant tout, c'est la mission. La raison d'être de l'entreprise, c'est la mission, donc c'est le démarrage de la stratégie. Quand on fait, par exemple, une planification budgétaire pour l'année prochaine, on part de la mission. On veut rendre l'éducation accessible l'année prochaine, voilà ce que ça veut dire précisément. On en fait une déclinaison plus court terme, parce que tu l'as dit, la mission, c'est très long terme. Ça peut être une mission sur 50 ans, sur 200 ans, en tout cas sur plusieurs dizaines d'années, probablement. C'est ça l'ordre d'idée. Et donc, on décline ça dans ce qu'on appelle une vision qui est un petit peu plus court terme. Chez nous, la vision, c'est rendre l'éducation professionnalisante, accessible. Donc, on rajoute le mot « professionnalisante » puisque l'éducation, c'est très large, donc ça peut être les enfants aussi. L'éducation professionnalisante, on voit qu'il y a une connexion vers l'emploi et à partir de là, on va le décliner en une métrique, quelque chose qui est un peu notre objectif premier d'entreprise. Et chez nous, on a beaucoup travaillé ça aussi, c'est le nombre d'étudiants que l'on place dans l'emploi. Donc l'éducation professionnalisante placée dans l'emploi, etc. Et donc ça, c'est au cœur de notre stratégie. Donc ça veut dire que toutes les équipes ont un objectif qui est celui de contribuer au nombre d'étudiants placés dans l'emploi. Ça rentre dans les bonus, dans les variables, par exemple. La mission, elle est mesurée par cette fameuse métrique dont j'ai parlé et elle est évaluée dans les variables, les commissionnements, par exemple pour les managers.

 

Jean-Philippe Courtois : Et par ton comité d'impact aussi, c'est ça? Parce que tu as le comité d'impact maintenant.

 

Pierre Dubuc : Exactement. Normalement, comité d'impact, comité de mission, on le publie aussi dans un rapport d'impact que l'on publie tous les ans. On vient de publier le dernier d'ailleurs il y a moins d'une semaine. Et enfin, ça se fait aussi même dans les évaluations individuelles de performance. On va juger des objectifs atteints en termes, par exemple, commerciaux ou de productivité selon le métier, etc. Mais on va aussi juger de son alignement et de sa contribution à la mission et aux valeurs et à la culture de l'entreprise. Donc, à tous les niveaux, au recrutement, à la promotion, à l'évaluation, à la stratégie, à la gouvernance, à la planification budgétaire, on parle de mission. En fait, pour résumer, la mission pour nous, c'est une aide à la décision. Ça, c'est intéressant parce que ce n'est pas juste un mot sur le mur. Ça doit être utilisé dans les réunions pour prendre des décisions.

 

Jean-Philippe Courtois : Prendre des décision parfois difficile… 

 

Pierre Dubuc : Voilà. Donc, tu as une solution A, tu as une solution B, on ne sait pas exactement où aller. On revient à l'essentiel qui est la mission et on dit quelle est la solution qui va rendre l'éducation plus accessible le plus rapidement, le plus efficacement possible ? En fait, souvent, nous, on est content d'avoir une mission incarnée puisqu'on entend dans les réunions ou dans les mails, dans les comptes rendus, on a choisi la solution B parce que ça va rendre l'éducation plus accessible. Et là, on se dit c'est bon, le job, il a été fait.

 

Jean-Philippe Courtois : Et ici, Pierre Dubuc d'Open Classroom parle de la manière dont une mission clairement définie peut devenir un puissant outil qui va unir les efforts de chacun et avoir un impact durable et très significatif. Notre temps, notre énergie et nos ressources sont limitées. Si nous voulons avoir un impact positif sur le monde, nous devons apprendre à concentrer notre énergie au bon endroit. Tôt dans sa carrière, le journaliste Hugo Clément a senti qu'il n'y est arrivé pas. Il lui semblait que le rythme du cycle journalistique laissait peu de place pour parler de véritables solutions et il se sentait finalement impuissant. Et c'est ce qui le conduisit à créer sa propre entreprise de médias indépendantes, Vaquita, qui non seulement réalise des enquêtes, mais relie ces enquêtes à des actions concrètes que les gens peuvent faire à leur propre échelle.

 

Hugo Clément : Moi, j'avais une frustration au début de ma carrière de journaliste, quand j'ai commencé à travailler, c'était l'impression de subir l'information, non seulement moi, mais de faire subir cette information aux téléspectateurs ou au public, de parler de quelque chose de grave, de triste, parce que malheureusement, souvent, notre métier nous amène à parler des choses qui ne vont pas bien. Il y a une fameuse expression qui dit « On ne parle pas des trains qui arrivent à l'heure, on parle des trains qui arrivent en retard. » Et c'est assez vrai et c'est normal. Et donc on peut avoir le sentiment d'être impuissant, de se contenter de raconter ce qui se passe et puis le lendemain, on passe à autre chose. Et puis rien n'a changé. Et du coup, vous avez le sentiment, vous en tant que journaliste, en tout cas, c'est moi le sentiment que j'avais, de servir à rien, c'est-à-dire de donner des informations, mais au final, rien ne change. Et avec Vakita, ce qu'on a essayé de faire, et ce que je fais aussi dans les émissions sur Le Front, sur France 5, c'est de proposer aux gens des actions, de leur dire « Voilà le problème et voilà une piste de solution ».

 

Jean-Philippe Courtois : Est-ce que tu peux donner un exemple concret, récent, qui te tient à cœur, de piste d'action que tu as lancée et à laquelle tu as des échos et des réponses?

 

Hugo Clément : Exemple très concret, on a fait une série de documentaires sur l'histoire de Shaina, qui est une jeune fille de 15 ans qui vivait à Creil et qui, malheureusement, a été tuée par son ex-petit ami. En tout cas, son ex-petit ami est accusé de l'avoir tuée, de l'avoir brûlée vive, notamment pour des questions de réputation, parce que certains garçons lui avaient construit une réputation de fille facile. Donc c'est une histoire tragique. On a enquêté sur cette histoire, on a rencontré ses parents, on les a suivis au long cours jusqu'au procès. On a tout fait pour mettre en lumière médiatiquement cette histoire, parce qu’ils n’avaient toujours pas de date de procès, trois ans après les faits. Depuis, il a été jugé, il y a quelques jours, il a été condamné aux assises pour assassinat et condamné à 18 ans de prison. Moi, je ne me sentais pas de me contenter juste de faire ça. Je savais que cette famille était en souffrance, évidemment, c'est in qualifiable, c'est ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils vivent, mais était aussi en difficulté financière parce que les parents n'arrivaient plus à travailler.

 

Vous vous rendez compte? Ils ont perdu leur fille dans un crime aussi atroce. Le grand frère de Shaina Yassin, qui est un gars assez incroyable, porté tout seul sur ses épaules, la famille entière, y compris financièrement, on s'est dit tout simplement, on va faire une cagnotte de solidarité. On va récolter de l'argent et on va les aider à traverser cette période, à essayer de se projeter sur l'avenir et à les sortir de cette mauvaise passe financière, parce qu'évidemment, rien ne peut réparer la souffrance qu'ils ont, mais au moins de les aider à aller de l'avant financièrement et à relâcher la pression qu'ils ont sur les épaules. Et on a récolté, je crois, en quelques jours, quasiment 50 000 € pour cette famille, ce qui est énorme, ce qui va leur permettre de voir les mois qui viennent plus sereinement. Et voilà, et certains journalistes vont vous dire « T'es sorti de ton rôle, Hugo. Ce n’est pas ton rôle de journaliste. T'es censé informer et ce n’est pas à toi de récolter de l'argent parce que tu sors de la neutralité, de l'objectivité. » Évidemment, on crée des liens affectifs. On n'est pas objectifs quand on parle de cette affaire, moi je pense que personne ne l’est.

 

Jean-Philippe Courtois : Forcément. Personne ne l'est. Mais tu prends une action quasiment aussi dans ce cas- là, dans cet exemple- là, qui est un exemple tragique, évidemment, horrible, presque associative, j'allais dire.

 

Hugo Clément : Bien sûr, c'est une forme d'action associative, mais je pense que ça peut aussi être le rôle de certains médias, pas forcément tous, mais moi, c'est comme ça que je vois le rôle de Vaquita, c'est de dire « On vous raconte cette histoire et si vous êtes touché par cette histoire, on vous propose d'agir concrètement. » Et c'est du concret. Ça change la vie de cette famille, ça leur permet d'être plus sereins. Et au moins, après ce reportage, on a fait quelque chose de positif, on a changé les choses. On ne leur rend pas leur fille, on ne répare pas les souffrances, mais on apporte une petite pierre à l'édifice pour essayer que ces gens puissent se projeter dans l’avenir.

 

Jean-Philippe Courtois : Et on leur donne un peu de résilience également et de force par rapport à leur futur.

 

Hugo Clément : J'ai pris cet exemple, mais je pourrais en prendre plein d'autres, notamment sur la question environnementale. Mais à chaque fois, on essaye de proposer quelque chose.

 

Jean-Philippe Courtois : J'aime tout particulièrement l'approche d'Hugo, qui parle avec beaucoup d'éloquence de sa philosophie du journalisme d'impact. Un journaliste qui inspire et qui propose beaucoup d'espoir. Il montre qu'un changement positif est possible, ce qui peut suffisamment motiver des personnes et des collectivités pour agir et faire bouger les lignes. Nous pouvons tous nous sentir submergés par des vagues d'actualités déprimantes, des nouvelles horribles, commencer à perdre espoir et nous sentir totalement impuissants. Hugo nous montre qu'il y a toujours quelque chose que chacune ou chacun d'entre nous peut faire. Quand on vit intensément, et je le sens face à toi, ce qui est bien, c'est qu'on n'est pas sur un écran, on est tous les deux dans la même salle, avec les émotions que tu ressens. Donc les situations que tu as vécues, tu comptes vivre au quotidien et qui font que tu t'engages dans ce journalisme, finalement, de l'action. Comment tu arrives à conserver ton énergie positive? Physiquement, émotionnellement, cognitivement aussi, tu en as parlé. La force de garder, finalement, un engagement positif pour faire changer les choses.

 

Hugo Clément : C'est le passage à l'action qui permet, je pense, de rester optimiste et de rester heureux. Quand on subit une situation, quand on a l'impression de ne pas pouvoir la changer, on se rend malheureux. Et donc moi, je pense que la solution pour rester heureux, optimiste et motivé, c'est de faire quelque chose. On a tous et toutes soit un peu de temps à donner, soit un peu d'argent, pour ceux qui n'ont pas de temps, pour soutenir les associations, pour agir, concrètement, sur le terrain, aux côtés des gens qui s'engagent pour essayer de faire changer les lois, pour prendre quelques minutes avec son association, à écrire des mails aux députés pour leur demander de s'engager sur tel truc. Il y a plein de choses à faire, d'engagement concret qui apportent beaucoup d'espoir et beaucoup de bonheur. Je pense sincèrement que d'agir, ça apporte vraiment du bonheur et ça permet de ne pas être dans le pessimisme. Et puis après, moi, les recettes pour être heureux et motivé, elles sont très simples. Elles sont : aller me balader, aller marcher le long de la plage avec mes filles, aller en forêt, aller m'émerveiller devant une vallée en montagne où je peux regarder pendant une heure, regarder la vue sans bouger.

 

Je pense que les réponses, elles sont dans la nature. On fait partie de la nature. Souvent, on dit la nature comme si c'était quelque chose d'extérieur de nous. C'est ce qu'on a tendance à faire, nous, l'Homme. On met la nature loin de nous. On vit dans des villes où la nature est quasiment effacée et de retrouver notre place dans cette nature, parce qu'on a une place dans cette nature. Souvent, on reproche aux écolos de vouloir mettre la nature sous cloche et de dire qu'il y a les hommes d'un côté, la nature de l'autre, il ne faut pas toucher la nature. Moi, ce n'est pas ma vision. On fait partie de la nature. D'y aller, d'y passer du temps, ce n'est pas toujours facile pour les gens qui sont en ville, etc. C'est compliqué. Ils n'ont pas forcément le temps ni les moyens de s’éloigner.

 

Jean-Philippe Courtois : Ils ont des choix de vie aussi.

 

Hugo Clément : Moi, j'ai fait le choix de vie de vivre dans un endroit où il y a la nature accessible tout le temps, partout, parce que ça fait énormément de bien.

 

Jean-Philippe Courtois : Ça te ressource et tu ressens que ça te…

 

Hugo Clément : Ça me ressource. Et puis, la dernière chose, c'est que l'écologie, ce n’est rien d'autre pour moi qu'un combat pour le droit d'être heureux, le droit de boire de l'eau potable, de respirer un air qui ne nous rend pas malade, d'aller se promener en forêt quand on a besoin de se déstresser, d'envisager un avenir pour ses enfants. C'est le droit au bonheur, l'écologie. Et je pense que les personnes engagées, les personnes sensibles à ces questions ont le droit d'être heureux et d'être heureuses et qu'il n'y a pas de raison qu'eux se minent le moral pendant que ceux qui s'en fichent continuent à profiter de la vie. Je pense qu'on a besoin d'avoir des gens engagés pour l'écologie qui sont heureux et qui explique que ce qu'on veut, c'est un monde heureux. Et on peut être heureux un peu différemment. On peut être heureux pour s'assurer que ce bonheur dure longtemps et ne s'arrête pas dans quelques décennies parce que notre planète va devenir invivable. Et puis, quand vous avez des enfants, je pense que c'est aussi un moteur d'engagement. On n'a pas le choix. On est là, on est dans cette situation et on pourra se regarder dans la glace dans quelques années. Et quand ma fille me demandera « qu'est-ce que t'as fait, papa? » Je peux tout lui dire, j'ai essayé de faire quelques trucs. J'aurais pu faire plus, mais j'ai au moins essayé quelque chose et je pense que c'est vraiment important dans cette démarche- là.

 

Jean-Philippe Courtois : Contribuer à quelque chose qui nous dépasse peut se révéler très valorisant et très motivant. Et c'est lorsque vous vous consacrez à une cause ou à un objectif très spécifique comme Hugo, que vous avez le plus de chances d'attirer des personnes qui partagent votre point de vue et que vous pouvez mettre en place des collaborations fortes, des partenariats et des réseaux d'aide beaucoup plus larges afin d'avoir ensemble un impact collectif pour changer le monde. Nous devons tous nous sentir tenus de créer un monde meilleur pour les générations futures. C'est une chose dont je suis totalement convaincu et qui me pousse tous les jours à tenter d'apporter des changements positifs dans mon travail chez Microsoft, mais aussi au cœur de mon association créée avec ma famille, Live For Good, qui a pour mission de libérer le potentiel de jeunes venus de tous horizons par l'entrepreneuriat à impact. Justement, pour de jeunes entrepreneurs à impact positif, c'est ce qui fait la différence entre remarquer un problème et se sentir responsable d'y apporter une solution. Et c'est le défi que Lucie Bash a relevé lorsqu'elle a créé l'application Too Good To Go, qui s'attaque aux problèmes du gaspillage alimentaire en mettant simplement en contact des consommateurs avec des aliments qui sinon seraient jetés.

 

J'ai été vraiment heureux de pouvoir inviter Lucie dans ce podcast. Elle déborde d'énergie positive, de dynamisme, et elle m'a expliqué que le problème du gaspillage alimentaire vraiment l'a minée depuis son adolescence.

 

Lucie Bash : C'est vrai que j'ai toujours été personnellement très sensible au gaspillage alimentaire, mais plutôt parce que j'ai un esprit très rationnel. Il y a de la nourriture, c'est bon et il y a plein de gens qui ont besoin de se nourrir. Donc pourquoi la jeter alors qu'elle est encore bonne à être mangée, justement? Et donc j'avais toujours, c'était un peu le gag avec mes amis, même petite, qui me ramenaient leurs yaourts périmés, leurs bananes où il y avait trop de noir sur la peau, alors qu'en plus, à chaque fois, tu l'ouvres, elle est parfaite à l'intérieur. Et même si elle est un peu noire, c'est juste plus sucré et c'est tout aussi bon, voire meilleur. Donc, j'étais un peu connue comme ça et c'est vrai qu'à l'université, quand je me suis rendu compte qu'il y avait pas mal de conférences organisées au sein de l'université et que je voyais que tous les buffets à la fin de la conférence partaient à la poubelle, alors que nous, on était tous étudiants, qu'on avait des tout petits budgets pour manger et qu'on était ravis d'avoir la nourriture de conférence qui est plutôt de bonne qualité en général. Je m'étais battue pour qu'effectivement, à la fin de la conférence, on mette simplement un petit panneau sur le buffet en disant « Ce buffet sera débarrassé dans dix minutes. D'ici là, servez-vous. », donc finalement, c'était peut-être les prémisses de Too Good To Go quelques années plus tard. Mais c'est vrai que je l'ai vraiment fait plutôt par cohérence et envie de faire sens plutôt que même par conscience écologique. Je n'avais pas du tout pris conscience de l'ampleur, de l'impact du gaspillage alimentaire sur la planète.

 

Jean-Philippe Courtois : C'est du bon sens pour toi, tout simplement, de ne pas gâcher. Nous gaspillons chaque année un milliard de tonnes de nourriture. Un petit tiers de toute la nourriture produite dans le monde se perd ou est gaspillée. Un chiffre totalement alarmant et encore plus terrible lorsqu'on pense au nombre de gens qui ont toujours faim. Très tôt dans sa carrière, alors qu'elle travaillait dans une grande entreprise agroalimentaire et de boissons, Lucie s'est rendue compte qu'elle devait faire quelque chose pour s'attaquer à ce problème.

 

Lucie Bash : Très rapidement, je me suis rendue compte que la façon dont on produisait de l'alimentation aujourd'hui me semblait assez décorrélée des réflexions écologiques, des réflexions de santé, quand même, ce qu'on met dans notre corps au quotidien, bien évidemment, ça a un impact sur notre santé et notre bien- être. Et c'est vrai qu'à l'époque, sur les chaînes de production, ça n'était même pas une considération. Et je me suis rendue compte que mon boulot, c'était l'amélioration continue en plus.

 

Jean-Philippe Courtois : Les process

 

Lucie Bash : C'était comment est-ce qu'on produit le plus vite possible, le moins cher possible, quitte parfois à avoir plus de défauts sur la chaîne et donc plus de gaspillage. Mais en fait, l'important, c'était le coût marginal de chaque produit. Et en fait, je me suis retrouvée à faire des projets qui étaient célébrés comme un vrai succès de l'entreprise, alors que finalement, ils produisaient plus de déchets. Et c'est là que ça a commencé un peu à me titiller en me disant, en plus, moi, quand je fais les choses, je les fais à 200 %, et donc je me levais à 5h00 du matin, je bossais sur les shifts, je finissais à 20h00, j'habitais sur le parking de mon usine. Donc j'étais vraiment à fond. Et c'était tout aussi passionnant et enrichissant qu’un peu décorrélé de plus en plus de mes valeurs personnelles et de la vision que j'avais aussi pour le monde de l'alimentaire de demain.

 

Jean-Philippe Courtois : L'entrepreneuriat social consiste à développer de nouvelles organisations innovantes dans le but de résoudre des problèmes sociaux et environnementaux. Lucie possède en abondance évidemment toutes les caractéristiques de son entreprise, la caractéristique classique d'une entrepreneure sociale. Elle est naturellement curieuse des gens et des problèmes qu'ils rencontrent, ce qui est fondamental. Elle est aussi pragmatique, mais elle est très déterminée. Et il est vite apparu qu'avec son énergie phénoménale et son profond désir de changement, le travail dans une grande entreprise n'était sans doute pas fait pour elle. Elle a commencé à se demander comment coder une application qui permettrait à tout le monde de faire un geste concret pour réduire le gaspillage alimentaire, alors qu'elle travaillait encore chez Nestlé.

 

Lucie Bash : En fait, j'étais rentrée chez moi à Noël, je crois. J'étais passée devant une boulangerie qui était en train de jeter plein de produits et j'avais proposé de les récupérer et on m'avait dit non, je n'ai pas le droit de vous les donner. Du coup, j'avais dit tant pis, je vous les achète, même si c'est déjà la fermeture. Et elle m'avait finalement donné beaucoup plus de produits. Et je me rappelle, j'étais rentrée chez moi hyper contente. J'en avais parlé à tout le monde en disant « Regarde tout ce que j'ai récupéré, etc. » Et c'est là que ça avait un peu fait tilt en me disant « Si cette petite expérience qui vient de se passer, qui m'a réjouie, qui a réjouie la personne qui me les a donnés et qui a réduit le gaspillage pouvait se reproduire à large échelle, ça serait absolument incroyable. » Et du coup, j'étais allée sur le site du zéro de retour sur le parking de mon usine en Angleterre et j'avais commencé à coder un peu l'appli.

 

Jean-Philippe Courtois : Et c'est ainsi qu'elle a lancé son application Too Good To Go en Europe en 2015, puis cinq ans plus tard aux États-Unis. On la trouve aujourd'hui dans 17 pays et elle a sauvé du gaspillage plus de 300 millions de repas, ce qui est un résultat tout simplement phénoménal. Et je sais que tu ne comptes pas simplement maximiser l'impact par le nombre de repas sauvés, mais tu recherches un changement plus systémique

 

Lucie Bash : Le monde agricole, je pense que c'est un monde en souffrance essentiel à nos vies à tous. On parle des gens qui nous nourrissent et qui sont rémunérés de manière totalement dérisoire pour certains. Donc, je pense que c'est important d'aller trouver des solutions aussi dans ce monde, même si c'est un monde complexe, qui est un monde très régional aussi. On ne peut pas avoir des solutions qui passent à l'échelle aussi facilement qu'un Too Good to Go peut- être. C'est d'autres challenges, d'autres complexités. Moi, je suis passionnée par apprendre. Là, je suis partie effectivement deux semaines à la rencontre des agriculteurs et pouvoir apprendre de leurs métiers, me rendre compte de la complexité du métier d'agriculteur, entre pouvoir produire de l'alimentation pour le bétail, entre gérer le vivant. Et en fait, le vivant, c'est sept jours sur sept, 24 heures sur 24, donc accepter que c'est des rythmes totalement différents, que nous qui parlons de semaines de quatre jours ou de diminuer le nombre de heures de travail. oui, on est pas est sur les mêmes sujets. Donc, il y a plein de choses à réinventer dans ce sens. Et puis, tu le disais, effectivement, l'impact sociétal de manière générale, voire entreprise comme un vrai véhicule à impact.

 

Je pense que c'est quelque chose qui me donne à moi beaucoup d'espoir sur le fait qu'on va pouvoir changer les choses assez rapidement. Si on arrive à faire que toutes nos entreprises se donnent comme mission principale d'aider leurs clients, d'améliorer les sujets dont elles s'emparent. Essayer de réussir à m'organiser pour faire que... Continuer à aider Too Good to Go du mieux que je peux, mais en reconnaissant que je ne suis plus un parent unique. Il y a 1 200 parents qui s'occupent du bébé. Et puis, effectivement, pouvoir utiliser le réseau que Too Good to Go m'a permis de construire et les ressources de manière générale, les mettre à bonne escient pour maximiser encore davantage l'impact.

 

Jean-Philippe Courtois : Permettez- moi maintenant de résumer à nouveau ces cinq leçons essentielles. La première, développer la conscience de soi. Examinez vos réactions impulsives et instantanées. Tenez un journal quotidien. Tenir un journal chaque jour peut vous aider à mieux comprendre vos émotions et encourager une réflexion régulière. Deuxièmement, pour créer un environnement de travail positif, il est essentiel de favoriser l'implication des collaborateurs. Et pour réussir sur le long terme, vous devez impérativement placer les gens au cœur de votre façon de diriger. Troisièmement, définissez clairement votre mission. Face à des choix, pouvoir vous reporter à l’exposé de la mission peut vous servir d'étoiles du Nord pour prendre des décisions conformes à vos valeurs et vos objectifs. Cela va vous aider à formuler une vision des objectifs à long terme et à forger une feuille de route pour l'avenir. Quatrième leçon, investissez votre énergie au bon endroit pour orienter vos ressources, votre temps et vos efforts en direction d'un objectif très spécifique. Privilégiez ce qui comptent le plus. Enfin, cinquième leçon, sentez-vous responsable de faire de ce monde un monde meilleur. Croyez-moi, cela peut vous apporter un sentiment d'épanouissement et d'accomplissement incroyable en retour. Voilà, vous écoutiez le podcast Positive Leadership.

 

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