Positive Leadership

[FR] Lancer une entreprise à mission (avec Pierre Dubuc Cofounder and CEO OpenClassrooms)

September 06, 2021 Jean-Philippe Courtois Season 1 Episode 0
Positive Leadership
[FR] Lancer une entreprise à mission (avec Pierre Dubuc Cofounder and CEO OpenClassrooms)
Show Notes Transcript

Âgé de 32 ans, le Français Pierre Dubuc est le CEO et cofondateur d'OpenClassrooms, la première école diplômante en ligne. Sa mission : rendre l'éducation accessible à tous. Dans ce podcast Pierre nous parle de la découverte de sa mission à l'âge de 11ans, de son propre style de leadership, de ses héros et de l'échec. Dès leur 1ère rencontre JP a su que Pierre était un authentique entrepreneur à mission qui s’engage pour le bien commun, un véritable leader positif qui peut changer le monde. 

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Jean-Philippe Courtois: Bonjour à tous mes auditeurs français puisque c’est effectivement mon premier podcast de Leadership positif en français avec mon tout premier invité, Pierre Dubuc, qui est un invité en direct à Paris. Pierre est le CEO et cofondateur d’OpenClassrooms qui est une plateforme en ligne qui offre des parcours diplômants et professionnalisants, avec une superbe mission, tout simplement de rendre l’accès de l’éducation plus accessible à tous, partout dans le monde ; et il y travaille depuis qu’il a onze ans. C’est aussi quelqu’un que j’ai appris à connaître et à beaucoup apprécier à titre personnel depuis plus de cinq six ans, on s’est vu avec Pierre, nous nous sommes rencontrés en fait alors que je venais de créer, Live For Good, l’association qui a pour mission de révéler le potentiel de jeunes venus de tous horizons par l’entrepreneuriat social, et Pierre m’a très gentiment offert immédiatement l’accès gratuit à des cours, à des formations pour tous nos jeunes entrepreneurs de la communauté, et est intervenu un certain nombre de fois auprès de ces jeunes, et je peux vous dire qu’à chaque fois son témoignage est plus qu’inspirant. Il bouge, il incite à l’action dans toute cette communauté de futurs aspirants à l’entrepreneuriat social. Voilà et moi j’ai su dès que je t’ai rencontré Pierre la première fois que tu es réellement un authentique entrepreneur à mission, parce qu’on utilise beaucoup ce mot aujourd’hui en France et dans d’autre pays aussi, parce que tu t’engages pour ce qu’on appelle, pour ce qu’il est convenu d’appeler le bien commun. Et euh, et comme vous le savez tous, en fait je crois personnellement que le positif, le leadership positif peut changer le monde, et je pense que c’est avec des leaders comme Pierre qui peuvent révéler, justement des potentiels de leaders positifs en vous pour entreprendre. Bonjour Pierre, bienvenue !

Pierre Dubuc: Bonjour Jean-Philippe.

Jean-Philippe Courtois: Alors Pierre on va commencer tu as raconté je sais cette histoire des centaines de fois je suis désolé mais j’ai plaisir à l’entendre peut-être toujours, peut-être différemment comment et pourquoi tu as contacté Mathieu, donc Mathieu Nébra, le cofondateur d’OpenClassrooms pour démarrer ensuite ce site, le Site du Zéro, euh ce qui est bien, c’est encourageant parce qu’on peut toujours aller plus haut que le Zéro une fois qu’on a démarré de Zéro. 

Pierre Dubuc: Oui c’est vrai.  

Jean-Philippe Courtois: Apprendre tout à partir de zéro, c’était quoi l’étincelle, le démarrage, le pourquoi de tout ça finalement ?

Pierre Dubuc:  Le pourquoi, c’était de créer les cours qu’on avait envie d’avoir, qu’on ne trouvait pas en fait à l’école, quand on était au collège, puisque Mathieu il avait treize ans quand il a commencé ce site et moi je l’ai rejoins à l’âge de onze ans, je suis trois ans derrière lui, et en fait c’est un ami qui ma parlé de ce site, je suis tombé sur le site, j’ai commencé à regarder les cours, et j’ai commencé à contribuer sur Des forums, donc aider des gens à coder, à l’époque en HTML, en PHP.

Jean-Philippe Courtois: Oui.

Pierre Dubuc: Et donc moi, ça m’intéressait, par curiosité intellectuelle mais aussi pour aider des gens, et puis assez rapidement je me suis rendu compte que ce site il avait un potentiel et en même temps j’avais plein d’idées pour l’améliorer donc j’ai contacté Mathieu via les forums et je lui ai proposé de l’aider à développer ce site ; donc on a commencé à travailler à distance de cette façon là, au collège, moi sur la création de la plateforme.

Jean-Philippe Courtois: Oui.

Pierre Dubuc: Et Mathieu plutôt sur le développement du contenu, des cours. 

Jean-Philippe Courtois: Et c’était l’époque ou il n’y avait pas encore Teams et compagnie, donc c’était des e-mails, c’était des…

Pierre Dubuc: Il n’y avait rien du tout il y avait MSN Messenger à l’époque.

Jean-Philippe Courtois: Ouais je m’en rappelle, donc vous faisiez du chat non pas mal ?

Pierre Dubuc: On faisait du télétravail, c’était déjà là. On s’est jamais rencontré pendant très longtemps en fait, pendant plusieurs années et on communiquait par ICQ et MSN Messenger et quelques mails, et on travaillait entièrement à distance, ouais pendant des années, ça s’est développé de cette façon là, et longtemps après en fait on a commencé à se rencontrer mais c’est vrai qu’on, d’ailleurs, on ne s’était jamais rendu compte de ça jusqu’ici, mais l’entreprise avait une culture de télétravail qui vient de ses origines.

Jean-Philippe Courtois: Vraiment, de vous deux quoi, oui oui.

Pierre Dubuc: De nous deux parce qu’on travaille en télétravail depuis le début avec Mathieu et c’est pas un souci et du coup on a insufflé en fait un peu cet ADN, pour nous c’était assez naturel avec le COVID. 

Jean-Philippe Courtois: Vous étiez déjà préparés à ça, les équipes de développement notamment et toutes les fonctions de l’entreprise.

Pierre Dubuc: Ouais, on avait déjà des gens complètement en télétravail et c’est vrai qu’on s’est souvenu avec le COVID que finalement on a commencé comme ça. 

Jean-Philippe Courtois: Oui ça se sent dans l’ADN d’OpenClassrooms. Alors, au tout début, à onze ans, ce qui est assez incroyable, on se rend pas compte, je pense que la notion de mission, elle n’était peut-être pas innée non plus totalement ?

Pierre Dubuc: Non ! On ne savait même pas ce que ça voulait dire pour être franc. 

Jean-Philippe Courtois: Non, enfin j’en sais rien à l’époque, on n’en sait rien, « mission », c’est un grand mot, un mot qu’on découvre un peu plus tard, ou en tout cas peut-être que des fois on mène sa mission sans le savoir. Et moi j’ai eu le plaisir de te compter récemment, Pierre en fait parmi les jurys du Prix Gabriel Live For Good, et en fait pour tous nos auditeurs, le Prix Gabriel Live For Good récompense justement dans la

Promotion de nos entrepreneurs « For Good » cinq, six meilleurs en fait sur la qualité, j’allais dire de leur conviction entrepreneuriale positive, et aussi sur la qualité d’un projet qui peut transformer le monde. Et clairement, il ya un moment fort toujours dans ces moments là c’est le moment du « pitch » ils ont à le faire en trois minutes tu t’en souviens c’est un moment fort parce qu’ils se révèlent, ils révèlent un petit peu finalement le sens de la mission qui est en eux, ou qui n’est pas encore en eux, ou qu’ils cherchent souvent, avec quelques mots des fois maladroits, des fois des superbes mots tout préparés, et donc maintenant, toi Pierre qui a gradué entre guillemets après onze ans, tu as maintenant développé cette entreprise évidemment à une toute autre échelle, tu as une réflexion maintenant sur la mission qui est très différente et tu as défini une mission authentique, et tu as d’ailleurs même fait d’OpenClassrooms une entreprise à mission, l’une des cent premières entreprises françaises à mission. Quel est le conseil que tu donnerais, et je pense que c’est pas qu’aux entrepreneurs à impact positif, d’ailleurs, finalement à tout leader d’organisation, pour définir, créer et vivre sa mission ?

Pierre Dubuc: C’est une question très large mais ce qu’on a fait chez OpenClassrooms, c’est de définir cette mission en revenant aux racines de notre engagement, en fait, de notre projet. Et donc,avant de créer une entreprise, c’était donc ce fameux projet au collège pendant longtemps finalement, parce qu’on a fait ça comme un hobby pendant une dizaine d’années. Et ensuite c’est devenu une entreprise, et puis à un moment on s’est dit on va essayer de définir avec des mots très précis notre mission. Et on est revenu aux racines du projet, c'est-à-dire  mais finalement pourquoi on a créé ça au tout début ? c’était en l’occurrence clair que c’était pas pour créer une entreprise, puisqu’on n’a pas créé d’entreprise pendant dix ans ! Donc c’était pas ça, ce qui est quelque chose d’original, on va dire, dans l’entrepreneuriat.

Jean-Philippe Courtois: Parce que attendre dix ans pour créer son entreprise c’est assez exceptionnel !

Pierre Dubuc: Exactement, donc on voit bien que c’était un projet qui était différent et donc la façon dont on l’aurait exprimé à cet âge là, puisqu’évidemment on ne savait pas ce que ça voulait dire « entreprise à mission », d’ailleurs le concept n’existait même pas à l’époque. 

Jean-Philippe Courtois: C’est clair !

Pierre Dubuc: Avec nos mots de l’époque, on aurait dit, aider des gens, créer les cours qu’on aurait voulu avoir, créer des cours accessibles, compréhensibles, voilà, ce genre de choses et ensuite on a associé ça à une démarche de co-construction avec l’équipe de l’époque. Alors on l’a fait quand on était à peu près une cinquantaine de personnes.

Jean-Philippe Courtois: D’accord.

 Pierre Dubuc: Et donc on a fait des ateliers avec tous les salariés, en disant voilà selon vous quelle est la mission de l’entreprise, quelle est sa raison d’être ? Et donc on faisait des brainstormings, on animait tout ça en petits groupes.

Jean-Philippe Courtois: Vous avez aussi invité des clients, ou des bénéficiaires. 

Pierre Dubuc: Tout à fait. 

Jean-Philippe Courtois: Voilà, qui utilisaient vos…

Pierre Dubuc: Exactement, les « parties prenantes », les fameuses « parties prenantes », les clients, les bénéficiaires, les étudiants, les profs, les entreprises, les employeurs, tous les gens qui gravitent autour du modèle on leur a posé aussi ces questions là, selon vous c’est quoi OpenClassrooms, en fait pourquoi OpenClassrooms ? Et donc est revenu cette notion bien sûr d’éducation qui est au cœur du modèle, et le mot « accessible » revenait régulièrement, très souvent. Donc on a trié un peu tout ça, on a raffiné on a essayé de travailler avec Mathieu, avec un de nos collègues qui s’appelle Thomas, jusqu’à arriver à définir cette mission très précise qui est : « Make Education Accessible » « rendre l’Éducation accessible », où on est…

Jean-Philippe Courtois: À tous.

Pierre Dubuc: Même pas à tous, c’est « Make Education Accessible », en trois mots.

Jean-Philippe Courtois: Trois mots, très simple, waouh !

Pierre Dubuc:  En trois mots c’est très très simple, et en même temps très puissant parce qu’on est vraiment capable d’expliquer le poids et la signification de chaque mot : derrière l’accessibilité, c’est l’accessibilité pédagogique, financière, de handicap, géographique, spacio-temporelle. « Make », c’est la notion de « craftsmanship », donc c’est vraiment de créer au sens de façonner, et pas de répliquer, donc il y a la notion d’innovation, enfin, donc il y a une sorte de petit manifesto derrière chaque mot qui est très pesé.

Jean-Philippe Courtois: C’est très fort et ça résonne très fort, en même temps quand tu dis l’éducation c’est quelque chose qui est une mission finalement pour des parents dans une famille.

Pierre Dubuc: C’est vrai.

Jean-Philippe Courtois: Rendre l’éducation accessible aux enfants. C’est une mission de l’État aussi, on parlait de ton récent voyage à Tahiti, 

Pierre Dubuc: Oui

Jean-Philippe Courtois: où clairement il y a des opportunités et des demandes en termes d’employabilité et puis, c’est clairement la mission d’une entreprise comme la tienne.

Pierre Dubuc: Oui.

Jean-Philippe Courtois: Donc comment tu vois leur rôle un petit peu de ces différents acteurs finalement, et comment vous intervenez au cœur de tout ça ?

Pierre Dubuc: Il y a une première question qui est visible, c’est la question du financement de l’éducation, qui se rejoint un peu mais pas complètement, où on dit, il y a trois grands groupes de financement de l’Éducation : l’individu déjà puisqu’on peut payer soi-même son éducation et il est probable qu’il y a des moments de vie où il faille investir sur son éducation, il y a l’État, les pouvoirs publics, et enfin il y a l’employeur. Et donc suivant la période de sa vie et suivant le pays où on est et le type de formation qu’on va faire, ça va être un mix de ces trois là.

Jean-Philippe Courtois: Très différent de pays à pays en plus.

Pierre Dubuc: Très différent de pays à pays, en Europe on est plutôt sur un modèle socio-démocrate. 

Jean-Philippe Courtois: Oui.

Pierre Dubuc: Où les pouvoirs publics, le gouvernement va payer une bonne partie, l’entreprise ensuite et puis ensuite l’individu, dans cet ordre là. Aux États-Unis, l’individu va contribuer, l’individu et sa famille j’entends, va contribuer de façon plus large, en général plus la personne est jeune, plus son âge est faible, plus ça va être le contribuable finalement et les pouvoirs publics qui vont contribuer à ça. Voilà, c’est une question de balance, mais effectivement après il y a d’autres parties prenantes qui sont les profs, les formateurs et comme on dit, il faut tout un village pour éduquer un enfant.

Jean-Philippe Courtois: Oui, oui, c’est super, et pour continuer à bâtir un petit peu sur ce travail de la mission parce que j’en parlais avec  Satya Nadella dans l’un des dernier épisodes aussi, et qui pour nous, a été extrêmement fort chez Microsoft également dans notre transformation, hein on a réalisé notre deuxième mission en quarante cinq ans d’existence donc on n’a pas changé tous les jours ! en fait on s’aperçoit qu’il y a aussi une grande différence entre choisir, travailler dans le cadre d’une mission qu’on a choisie et puis inspirer les autres à travailler dans le cadre cadre cette mission et là je pense, j’ai interviewé aussi Kevin Johnson qui est le CEO de Starbucks récemment, et qui partageait un peu la façon dont la culture d’entreprise peut être aussi façonnée avec cette mission. Quelle est ton expérience, toi parce que l’entreprise grandit très vite je crois que tu as quatre cents et puis tu en embauches un peu toutes les semaines aux quatre coins de la planète maintenant et tu as aussi deux mille, deux mille cinq cents mentors. Comment tu t’assures que cette mission elle est vécue, elle est réelle, entre guillemets avec les faits et gestes dans la culture au quotidien de ton entreprise ?

Pierre Dubuc: C’est une excellente question, qu’on a beaucoup beaucoup travaillée. Alors déjà pour que cette mission existe, il faut la définir. Alors ça on en a parlé avant, mais il faut que ce travail, il soit minutieux, et il soit juste pour que, quand vous dévoilez la mission de l’entreprise, toutes les parties prenantes, les salariés se disent ah bah oui c’est une évidence !

Jean-Philippe Courtois: Oui.

Pierre Dubuc: Hein, si tout le monde commence à débattre, en disant oui mais bon « accessible ».

Jean-Philippe Courtois: Ce mot là.

Pierre Dubuc: Je ne suis pas trop d’accord est ce que c’est « éducation » ou plutôt « training » etc. bon ça ne fonctionne évidemment pas, en tous cas il y a des choses à régler. Ensuite il faut que ça soit dans toutes les strates de l’entreprise, alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la stratégie de l’entreprise, avant tout, c’est la mission. La raison d’être de l’entreprise, c’est la mission, donc c’est le démarrage de la stratégie, donc quand on fait par exemple une planification budgétaire pour l’année prochaine, on part de la mission. On veut rendre l’éducation accessible, voilà donc l’année prochaine, voilà ce que ça veut dire précisément. On en fait une déclinaison plus court terme parce que tu l’as dit, la mission c’est très long terme en fait, ça peut être une mission sur cinquante ans, sur deux cents ans.

Jean-Philippe Courtois: Clairement oui.

Pierre Dubuc: En tous cas sur plusieurs dizaines d’années probablement, hein c’est ça l’ordre d’idées, et donc on décline ça dans ce qu’on appelle une vision qui est un petit peu plus court terme. Chez nous la vision c’est rendre l’éducation professionnalisante, accessible. Donc on rajoute le mot professionnalisante, parce que l’éducation c’est très large ça peut être les enfants aussi. L’éducation professionnalisante, on voit qu’il y a une connexion vers l’emploi. Et à partir de là on va le décliner en une métrique, quelque chose qui est un peu notre objectif premier d’entreprise, et chez nous, on a beaucoup travaillé ça aussi. C’est le nombre d’étudiants que l’on place dans l’emploi. Donc l’éducation professionnalisante, placé dans l’emploi etc., et donc ça, c’est au cœur de notre stratégie. Donc ça veut dire que toutes les équipes ont un objectif, qui est celui de contribuer au nombre d’étudiants placés dans l’emploi. Ça rentre dans les bonus, dans les variables par exemple. Donc la mission, elle est mesurée par cette fameuse métrique dont j’ai parlé, et elle est évaluée dans les variables de, les commissionnements par exemple pour les managers.

 Jean-Philippe Courtois: Et par ton Comité d’impact aussi parce que tu as le Comité d’impact maintenant aussi oui.

Pierre Dubuc: Exactement, Comité d’impact, Comité de mission. On le publie aussi dans le rapport d’impact que l’on publie tous les ans, on vient de publier le dernier d’ailleurs il y a moins d’une semaine. Et enfin ça se fait aussi même dans les évaluations individuelles de performance. On va juger les objectifs atteints en termes par exemple commerciaux ou de productivité selon le métier etc., mais on va aussi juger de son alignement et de sa contribution à la mission et aux valeurs et à la culture de l’entreprise. Donc à tous les niveaux, au recrutement, à la promotion, à l’évaluation, à la stratégie, à la gouvernance, à la planification budgétaire, on parle de mission. En fait pour résumer, la mission, pour nous, c’est une aide à la décision. Alors ça c’est intéressant, parce que c’est pas juste un mot sur le mur, ça doit être utilisé dans les réunions pour prendre des décisions.

Jean-Philippe Courtois: Pour arbitrer et prendre des décisions des fois difficiles.

Pierre Dubuc: Exactement, voilà. Donc tu as une solution A, une solution B, on ne sait pas exactement où aller, on revient à l’essentiel qui est la mission, on dit : quelle est la solution qui va rendre l’éducation plus accessible, le plus rapidement, le plus efficacement possible ? eh ben en fait, souvent nous, on est content d’avoir une mission incarnée puisqu’on entend dans les réunions, ou dans les mails, ou dans les comptes-rendus, on a choisi la solution B parce que ça va rendre l’éducation plus accessible. Et là on se dit, c’est bon, le job il a été fait.

Jean-Philippe Courtois : On sent qu’il y a un vécu de la mission qui n’est pas juste une mission institutionnelle comme on en voit des fois trop souvent, je dois dire, malheureusement, et que tu la vis au quotidien. Maintenant je souhaiterais parler dans le domaine de l’éducation, de quelque chose qu’on n’apprend pas à l’école : le leadership, Pierre ! Et finalement, parler de ta propre expérience d’apprentissage du leadership. Moi je t’ai vu, pas au sein de ton entreprise, mais je t’ai vu en action avec ma communauté d’entrepreneurs. C’est assez fascinant de voir comment tu les inspires tu es un rôle modèle, et tu parles à la fois des challenges, des difficultés que tu as pu avoir parce que tu as ramé, ça on en parlera un petit peu tout à l’heure c’est pas simple tous les jours ! Aujourd’hui tu es dans une phase qu’on appelle de « scale up », d’accélération de ton déploiement, du déploiement d’OpenClassrooms dans le monde, dans des marchés très différents, des enjeux très différents, et tu vas chercher en plus plein de nouveaux talents, on parlait des nouveaux talents qui ont des valeurs, qui s’alignent aussi quelque part avec cette mission. Alors on sait tous que les entreprises grandissent, elles ont tendance à mettre des scorecards des OKRs, des tas de choses et je ne dis pas, moi j’ai pratiqué ça pendant des années si tu veux chez Microsoft. Mais finalement, toi quelle est ta philosophie du leadership, c'est-à-dire du vécu, des principes de management, de la culture que tu as mise en place, que tu vis, pas simplement avec ton Comité exécutif, mais avec tes quatre cents collaborateurs et toutes les personnes autour de toi ?

Pierre Dubuc: Je dirais que déjà c’est une trajectoire, dans le sens où j’en apprends tous les jours et le leadership dont l’entreprise et l’organisation ont besoin, les équipes, change avec le temps. Par exemple lorsqu’on était cinquante ou cent, c’était un leadership qui est plutôt très proche des équipes, où il faut de la transmission de un à un, ou de un à plusieurs, mais on a quelques couches de management, mais grosso modo on connaît tout le monde.

Jean-Philippe Courtois : On connaît tout le monde, c’est très direct.

Pierre Dubuc: Et donc l’information circule vite, et c’est très direct. Maintenant, c’est assez différent parce que je suis beaucoup plus dans un leadership d’influence on va dire et d’inspiration, donc quand je m’adresse à l’entreprise, je sais que je ne m’adresse pas à une addition d’individus, mais vraiment à un collectif, ce qui est assez différent. Et ça, je dois avouer que j’ai dû aussi l’apprendre et changer ma posture, ce qui n’est pas facile parce que la société grossit tous les jours mais il n’y a pas un moment où tu dis, ah là je « switch », hop je change, vendredi prochain je vais changer de mode de leadership. Déjà tu n’as pas forcément les compétences, tu ne vois pas forcément, et puis à un moment peut-être que tu as un déclic, et tu te dis il faut que j’aie plutôt cette tonalité, plutôt ce type de message etc. Donc, moi de plus en plus maintenant, j’interviens sur la partie plus inspirationnelle de l’entreprise, sur cette fameuse mission du coup. Peut-être que je vais être beaucoup moins sur l’aspect commercial, des affaires, exécution, voilà. C’était plus le cas avant, à juste titre puisqu’on était moins nombreux, donc il y a ça, et une fois qu’on est bien aligné sur la mission etc., on dit souvent, chez nous, et je pense que c’est vrai ailleurs : les gens viennent chez OpenClassrooms pour la mission, ils restent pour l’équipe.

Jean-Philippe Courtois : Ah oui !

Pierre Dubuc: Ils viennent pour la mission, parce que ça a du sens, parce qu’on voit de l’extérieur que c’est une entreprise, voilà, qui a de l’impact, positive etc. Mais bon en fait après, au bout de quelques mois, après la lune de miel, en fait c’est dur une startup, c’est dur parce qu’il faut bosser comme un dingue, parce que ça grossit, ça change dans tous les sens, et puis comme toute organisation humaine, bah il y a des choses qui ne fonctionnent pas bien et on n’est pas contant quoi !

Jean-Philippe Courtois : Bien sûr !

Pierre Dubuc: Donc, il y a des trucs qui sont négatifs, et pourquoi on reste ? Bah, l’impact positif, il faut l’exposer, on le voit, c’est bien, c’est motivant, mais en fait ce qui fait qu’on reste, c’est plutôt les gens quoi, c’est l’équipe à côté, et donc là, c’est de construire une belle équipe, une équipe talentueuse, une équipe diversifiée avec plein de talents d’horizons très différents, et ça je pense qu’on a une très belle richesse là-dessus, et de les faire se rencontrer ensemble et les faire collaborer pour que ça soit oui, une équipe soudée, qui a envie de s’entraider avec un peu un esprit de camaraderie, de corps qui fait que, voilà, ça s’encolle ensemble et...

Jean-Philippe Courtois : Tu sens qu’il y a une dynamique 

Pierre Dubuc : Et qu’il y ait une dynamique,

Jean-Philippe Courtois : Collective, très forte, qui s’envole, oui oui.

Pierre Dubuc : Voilà, qui supplémente en fait l’intérêt individuel, c’est vraiment je travaille, pas pour juste mon rôle mais pour quelque chose qui est plus grand que moi. 

Jean-Philippe Courtois : Oui on parle souvent d’ailleurs, dans mon expérience chez Microsoft ou ailleurs, chez nous on appelle ça le « One Microsoft », on pourrait dire le « One OpenClassroom ».

Pierre Dubuc : Tout à fait. 

Jean-Philippe Courtois : On met la casquette de l’ensemble de l’entreprise et pas juste le rôle que l’on a dans une unité de l’entreprise ou de l’organisation, on représente les intérêts de toutes les parties prenantes quand on s’exprime.

Pierre Dubuc : Oui.

Jean-Philippe Courtois : Alors justement, dans ton apprentissage qu’on a tous du leadership, tu as eu des rôles modèles, Pierre ? Tu m’as parlé quelques fois de John Chambers, Henri de Castres en France, mais il y en a d’autres sans doute, et pourquoi ? Voilà, des personnes qui t’ont peut-être inspiré en termes de leadership.

Pierre Dubuc : Alors, j’ai plusieurs personnes qui m’ont inspiré et j’ai plusieurs personnes qui m’ont aussi mentoré. 

Jean-Philippe Courtois : Oui, oui.

Pierre Dubuc : Qui m’ont souvent inspiré par ailleurs, et qui ont été peut-être plus proches d’avoir un impact sur mon évolution. Effectivement, par exemple, John Chambers qui est l’ancien patron de CISCO.

Jean-Philippe Courtois : Oui.

Pierre Dubuc : M’a beaucoup appris, parce que c’est un de mes mentors maintenant depuis maintenant deux trois ans, et il m’a beaucoup appris sur le leadership justement, sur le leadership et le management des gens. Il m’a beaucoup inspiré parce que j’avais une idée, une vue que les grands patrons étaient plutôt durs en fait.

Jean-Philippe Courtois : Oui « tough » !

Pierre Dubuc : « Tough », et donc quand tu les interviewe ils te disent oui, oui je suis « tough » mais toujours juste hein ! mais bon je suis « tough » quoi. Donc il y avait beaucoup d’exigence, beaucoup de performance, mais l’aspect humain et émotionnel, franchement.

Jean-Philippe Courtois : Passait au second plan.

Pierre Dubuc : Ouais, au second plan, et certains en parlaient mais sans grande conviction, et certains n’en parlaient même pas quoi.

Jean-Philippe Courtois : Oui, oui.

Pierre Dubuc : Donc, j’avais cette image là, jusqu’à il n’y a pas si longtemps finalement. Je me disais en fait, tout le monde dit oui l’humain c’est important mais en fait tout en haut de la pyramide, tout le monde s’en fout, et personne ne le pratique. Et puis, j’ai découvert John et en même temps je sentais que, au quotidien tu te dis l’humain c’est quand même important, tu vois bien que quand t’es « tough », les gens partent, ils ne restent pas, ils ne sont pas excitants, etc. Enfin il y a des réactions négatives à ça, qui impactent négativement le business pour le coup ; et tu te dis comment régler ça ? Mais je ne voyais pas de référence où je me disais tiens il y a cette personne fait bien les choses et j’aimerais bien faire pareil. Et John m’a apporté ça parce qu’il m’a expliqué comment il faisait opérer en fait son équipe de management et ses équipes avec une proximité très forte, sur les personnes, de savoir vraiment précisément qui elles étaient. 

Jean-Philippe Courtois : Dans leur vie tout court.

Pierre Dubuc : Dans leur vie,

Jean-Philippe Courtois : Pas que dans le job pas simplement ça.

Pierre Dubuc : Exactement, leur personnalité, leur vie de famille, personnelle, alors bien sûr sans les obliger, voilà, elles partagent ce qu’elles veulent, mais bon je chacun a envie de partager une partie quand même, et donc de s’intéresser vraiment sincèrement à elles, et de connecter par ce biais, et d’être là, en fait, dans les moments de vie, aussi, de ses équipes, pas que de son équipe de « direct report » de management, mais vraiment.

Jean-Philippe Courtois : À tous niveaux.

Pierre Dubuc : À tous niveaux, tous azimuts. Donc, il avait un côté de management aussi assez familial, finalement, quasi patriarcal si j’osais, mais avec une belle façon de le dire, je ne le dis pas négativement. Maintenant voilà, moi j’ai essayé d’inventer mon propre modèle qui est un peu différent, mais en même temps qui s’est inspiré de ce côté très humain, très connecté, et qui m’oblige pour moi, à sortir de ma zone de confort, parce que.

Jean-Philippe Courtois : Bien sûr, t’exposer.

Pierre Dubuc : Voilà, je suis plutôt introverti, donc pour moi.

Jean-Philippe Courtois : D’être plus vulnérable aussi à certains moments.

Pierre Dubuc : Voilà, il faut être plus vulnérable, partager toi-même tes vulnérabilités ce qui n’est pas évident, tu vois devant quatre cents personnes dire voilà.

Jean-Philippe Courtois : J’me suis planté !

Pierre Dubuc : J’me suis planté, j’ai tel challenge dans ma vie perso etc., euh, c’est franchement pas facile, tu t’exposes, mais les gens te le rendent positivement à deux cent pour cent.

Jean-Philippe Courtois : C’est effectivement au cœur du leadership positif ce que tu dis, Pierre. Cette confiance en soi d’abord, d’avoir cette empathie, cette capacité à générer une énergie positive vers les autres, et du fait d’en recevoir en retour et d’avoir des personnes qui  s’engagent parce qu’elles trouvent qu’il y a un rapport qui est authentique. Alors des fois, il y a des moments très durs aussi hein ? Et je sais que tu as raconté publiquement que tu as eu des échecs parce que quand on démarre à onze ans et que tu en es là ! Il y a eu des moments où toi et Mathieu vous avez failli fermer quoi je crois, OpenClassrooms. Tu peux nous raconter un des moments décisifs où vous vous êtes dit, c’est peut-être la fin là ?

Pierre Dubuc : Oui, on a eu plusieurs moments critiques, mais on a failli effectivement ne plus avoir d’argent en fait, c’est un peu la raison numéro un. 

Jean-Philippe Courtois : Trésorerie, le cash !

Pierre Dubuc : C’est quand même, quand t’as plus d’argent, eh ben le chemin s’arrête. Mais plus que ça, en fait souvent c’est pas que l’argent. C’est souvent des problèmes de fondamentaux en fait. C’est que t’es fatigué, t’es plus motivé, les équipes sont désengagées, ça ne se passe pas bien, et tu rentres dans une sorte de spirale infernale.

Jean-Philippe Courtois : Spirale négative.

Pierre Dubuc : Et c’est très difficile de s’en sortir. Et donc il y a de longues années où on a connu ça. On a connu plein d’autres challenges, mais en l’occurrence cet épisode il était en 2012-2013 , et la société n’allait pas du tout bien et on a dû vraiment injecter nos propres économies, celles de nos familles aussi. 

Jean-Philippe Courtois : Oui.

Pierre Dubuc : Pour payer les salaires, et on avait fait un peu un pari de dire, en fait notre modèle économique ne fonctionne pas, il ne fonctionne plus en tous cas. Il faut s’adapter, il faut changer de modèle économique, il faut changer de marque, il faut changer pas mal de choses. Et ça a été extrêmement dur puisque nous-mêmes on était au bout.

Jean-Philippe Courtois : Au bout du rouleau.

Pierre Dubuc : Du rouleau quasiment.

Jean-Philippe Courtois : Oui c’est ça.

Pierre Dubuc : Et on s’était même, on avait vraiment, je me souviens assez bien de ce moment, où Mathieu, mon cofondateur et moi on s’était posé un soir, on était tous les deux complètement écroulés.

Jean-Philippe Courtois : Épuisés.

Pierre Dubuc : Et on s’était dit bon bah là en fait on a tout essayé, mais il faut se rendre à l’évidence, on a planté le truc. Donc comment on ferme une boîte ? Et comment on ferme notre boîte ? Donc c’est dur en fait tu te dis ça, c’est la fin voilà. Il faut déposer le bilan, il faut faire ci, il faut faire ça. On arrête le contrat, comment on peut le faire à peu près proprement, comment on le dit aux salariés, comment… donc c’est des moments franchement, c’est pas la joie.

Jean-Philippe Courtois : Non.

Pierre Dubuc : Et on a passé toute la soirée comme ça, et puis en fait je, de fil en aiguille on discute un peu à bâtons rompus et puis à un moment, on dit mais en fait, peut-être qu’on pourrait faire ci, qu’on pourrait faire ça et redresser la barre. Et puis en fait le lendemain, on dit : on a un plan quoi.

Jean-Philippe Courtois : On a un plan !

Pierre Dubuc : Et donc on s’est remis sur le champ de bataille et on a opéré un très très gros pivot de l’entreprise qui a été très dur à exécuter honnêtement mais qui au final a plutôt fonctionné, et qui nous a amenés du Site du Zéro à OpenClassrooms, d’un modèle publicitaire à un modèle d’éducation, enfin, un modèle d’école en ligne etc., et donc ça a été les bases du succès, mais ça a été des moments très difficiles qu’il a fallu traverser et à l’époque on les traversaient tous seuls, et je pense qu’on a beaucoup appris entretemps à partager un peu plus ça, et ces moments de vulnérabilité, je pense que.

Jean-Philippe Courtois : À demander de l’aide quand il faut.

Pierre Dubuc : À demander de l’aide, dans ton équipe, mais aussi autour de toi, dans ton système de soutien. 

Jean-Philippe Courtois : Personnel.

Pierre Dubuc : Familial, personnel, ton compagnon, ta compagne etc., et je dois dire qu’à l’époque on n’avait pas trop ça en tête et ça a été d’autant plus dur et que maintenant, si on devait le refaire, on le referait probablement différemment. 

Jean-Philippe Courtois : C’est un super exemple : au cœur, au moment d’un échec quasi-total, de rebondir et de réinventer son futur. L’un des piliers vraiment de la méthode OpenClassrooms et je pense de sa potion magique, un petit peu pour moi, c’est le mentorat. OpenClassroom compte plus de deux mille cinq cents mentors, et je sais que vous avez développé chez OpenClassrooms tout un processus de « onboarding » de formation sur les soft skills sur la posture, sur les valeurs de ce mentorat, et donc j’aimerais que tu nous en parles un petit peu. En quoi ce mentorat est au cœur du développement de ces chemins d’apprentissage et d’éducation pour toutes les personnes qui sont sur OpenClassrooms ? 

Pierre Dubuc : oui, on a commencé un modèle de mentorat, en fait je pense déjà parce que nous-mêmes on avait de mentors et on se disait en fait c’est vachement efficace. Donc on a commencé un modèle de mentorat dans le produit, et le mentorat chez nous, c’est concrètement un expert du domaine que tu étudies qui te suit de façon individuelle en one to one en vidéoconférence chaque semaine. Donc c’est très soutenu finalement, parce que sur un parcours d’un an tu vas le voir cinquante fois ton mentor.  

Jean-Philippe Courtois : C’est une relation très personnelle qui se crée quoi.

Pierre Dubuc : Très personnelle, intuitu personæ, très forte, et qui est basée sur quelques concepts et quelques valeurs qui sont d’ailleurs les valeurs de l’entreprise, c’est là où c’est intéressant, où ça se rejoint, ces valeurs de l’entreprise, elles sont à la fois endogènes et exogènes, et une de ce valeurs, c’est « We Care ». « We Care », qui est la notion de respect, de bienveillance, mais aussi d’« Ownership » dans le sens où il y a une certaine responsabilité : « We care about our students ». Et enfin, en face de ça, on a aussi « We Dare ». « We Dare » c’est on ose, on est courageux. 

Jean-Philippe Courtois : On prend des risques. 

Pierre Dubuc : On prend des risques, on aime les défis, mais c’est très important, dans une notion d’apprentissage, parce que dans un processus d’apprentissage, tu ne peux pas apprendre si tu n’as pas d’humilité. Si tu penses tout savoir, il n’y a plus rien à apprendre. Donc il faut partir d’une posture d’humilité pour apprendre : je ne sais pas, et maintenant je vais apprendre et je vais oser apprendre quelque chose de nouveau, donc ça, c’est la base des valeurs, et ces valeurs c’est en fait un processus pédagogique d’apprentissage derrière. Et donc on a développé aussi bien sûr des formations « Apprendre à apprendre » parce que c’est une méta-compétence.  

Jean-Philippe Courtois : C’est ce qu’on appelle le « Growth Mindset » que tu connais bien.  

Pierre Dubuc : Tout à fait. Alors ça, c’est hyper efficace parce que si tu apprends à apprendre vingt pour cent plus vite par exemple, ben en fait c’est exponentiel, parce que tu peux aller beaucoup plus vite dans ta courbe d’apprentissage et donc tu iras beaucoup plus loin aussi. Donc c’est typiquement ce type de modules d’apprentissage de compétences, de « soft skills » comme tu disais, que l’on met au cœur de nos parcours, dans le mentorat, parce qu’on les a aussi vécues nous-mêmes et on pense qu’elles sont très importantes dans le monde d’aujourd’hui, et d’ailleurs demandées par les employeurs. Donc pour la question de l’employabilité, c’est vraiment crucial d’avoir des personnes qui soient autonomes et capables d’apprendre tout au long de la vie. 

Jean-Philippe Courtois : Oui donc c’est fondamental. Donc je pense que cela fait partie de la « sauce secrète d’OpenClassroom. 

Pierre Dubuc : Oui, tout à fait. 

Jean-Philippe Courtois : Et la qualité avec laquelle vous les onboardez, vous les suivez, vous les alignez entre guillemets, sur la culture et les valeurs de l’entreprise. J’ai lu récemment un livre que tu as peut-être ou pas lu Pierre de David Brooks ça s’appelle La seconde montagne, The Second Mountain. En fait David Brooks dans ce livre, c’est un beau livre, il remet en question en fait son mode de vie, hyper individualiste, très productiviste, etc. où le temps compte beaucoup plus que finalement les personnes, l’humain, la productivité plus que les relations, ça rappelle beaucoup de choses dans notre discussion de tout à l’heure, et cet échec lui a permis de développer une théorie qu’il appelle les Deux montagnes. Et dans sa définition, c’est un livre qui est assez passionnant, il dit : la première montagne que l’on va grimper, c’est la réalisation de soi, c’est déjà beaucoup. 

Pierre Dubuc : C’est déjà énorme. 

Jean-Philippe Courtois : C’est déjà énorme. Mais en fait cette première montagne, ce qu’il dit, et je trouve que c’est très vrai, elle cache une deuxième montagne, vers laquelle on se dirige à un moment donné de sa vie, ou pendant ou selon ce qu’il se passe dans sa vie, pour finalement remettre au centre de nos vies de nos projets de vies individuelles, le collectif, le lien avec les autres et avec le monde, et finalement l’impact qu’on peut avoir au travers de sa vie au quotidien, de sa vie professionnelle, sociale, personnelle, vers les autres. Et finalement donner plus qu’on ne reçoit à un moment donné. Et j’allais dire, toi tu en es où de ton parcours sur tes deux montagnes. Je sais que tu es très jeune par rapport à moi. 

Pierre Dubuc : C’est une question très intéressante. Sur l’accomplissement de moi, je pense que je suis encore en chemin évidemment, parce que tu l’as dit, je suis encore jeune et je pense que dans ma tête, j’ai encore plein de choses, je suis très curieux, donc j’ai encore beaucoup de choses où je sais que j’ai beaucoup à apprendre, et j’ai envie d’apprendre et de m’améliorer. Je sais que je peux m’améliorer, donc j’y travaille. Donc sur la question de l’accomplissement de soi, je pense, je suis très fier déjà de mon parcours parce que je viens voilà d’une famille, on a vécu dans un petit village en Provence, je connaissais rien à l’entrepreneuriat etc. Et donc, j’ai réussi avec Mathieu et avec toute l’équipe, et avec aussi des opportunités et de la chance, mais aussi beaucoup de travail à accomplir quelque chose dont je suis fier, donc ça c’est bien, mais il y a encore plein de chemin et ce n’est que le premier jour, comme on dit It’s only day one.

Mais sur la question de l’impact sur le collectif, pour le coup, je dirais qu’on est assez avancé en fait. On pense qu’on va avoir dans le futur, on l’espère, un impact encore beaucoup plus grand, mais en tous cas la notion d’avoir de l’impact positif sur le collectif, pour la communauté, pour les gens autour de nous, on a une réflexion assez avancée là-dessus, c’est au cœur de notre modèle, on est assez convaincu, et on arrive à le mesurer cet impact par ailleurs. Donc c’est quelque chose qui est assez fantastique à titre personnel parce que tu sais pourquoi tu le fais. Tu te réveilles le matin et tu te dis, bon des fois c’est un peu dur. Mais voilà, ce mois-ci, en juin par exemple le mois dernier, on a placé mille deux cents personnes dans l’emploi. C’est des exemples d’histoires individuelles. 

Jean-Philippe Courtois : Des vies personnelles, oui. 

Pierre Dubuc : Tu changes une famille, tu changes une vie, mais en fait une famille derrière une vie parce que la personne est passée du RSA, du chômage, à un bon job, un bon diplôme, tu as changé sa vie, tu as changé la vie de sa famille, et elle t’en est souvent d’ailleurs très reconnaissante. Et bon quand tu te dis ça on l’a fait fois mille en un mois, bon bah, c’est utile ça quand même. 

Jean-Philippe Courtois : Et tu as envie d’aller aider les dix mille suivants ensuite, ou le million suivant, je crois. 

Pierre Dubuc : Exactement, tu vas en faire dix mille, tu vas en faire cent mille, tu vas en faire un million, et un million c’est effectivement l’objectif qu’on s’est fixé par an en 2025, de placer un million d’étudiants dans l’emploi. 

Jean-Philippe Courtois : C’est superbe et c’est plus qu’inspirant parce que l’inspiration c’est aussi beaucoup de transpiration comme on dit, et je sais que tu en as eu beaucoup depuis onze ans. 

Pierre Dubuc : Ça, je peux te le dire ! 

Jean-Philippe Courtois : Depuis l’âge de onze ans, dans ce que tu as réalisé, j’allais dire, une personne à la fois, pour les amener dans ces itinéraires d’apprentissage, de croissance, d’emploi, de jobs, ce qui est formidable. Peut-être une des dernières questions, aussi, pour finir. Finalement, et tu l’as dit hein, tous les deux je pense qu’on a cette soif d’apprendre toujours de nouvelles choses en rencontrant de nouvelles situations et de nouvelles personnes. Qu’est ce que tu as envie d’apprendre sur le leadership positif, Pierre ? Parce que tu as partagé un peu ton propre itinéraire, tes rôles modèles, le coaching que tu avais reçu personnellement, et ce que tu donnes toi, en tant que leader aussi, qu’est ce qui t’intrigue, qu’est ce qui te motive, qui te dit, c’est un domaine que j’ai envie de continuer à grandir. 

Pierre Dubuc : J’ai deux choses qui sont un petit peu liées. La première chose, on l’a un petit peu abordée tout à l’heure, c’est la notion de vulnérabilité. C’est encore quelque chose qui est assez rarement vue dans les grands leaders dont on parle et qui sont inspirants autour de nous. Très peu d’entre eux sont vulnérables, mais au sens sincère, c'est-à-dire qu’ils racontent des vulnérabilités sans en faire un pataquès, mais vraiment de montrer aux autres qu’eux-mêmes sont vulnérables et peuvent en faire du coup une force ; ça je trouve que c’est inspirant, on le voit peu et je trouve que ça aide beaucoup à aussi dédramatiser certaines situations, à libérer la parole aussi. Je trouve que c’est quelque chose qui m’a aidé moi-même à voir des personnes, partager les épreuves de la vie qu’elles ont pu connaître et auxquelles j’ai pu m’identifier et donc moi-même me dire, mais en fait, il y a ça aussi. Le deuxième qui est un peu lié, c’est en fait, la notion de leadership est très structurée dans un monde assez patriarcal quand même dans notre société. 

Jean-Philippe Courtois : Oui. 

Pierre Dubuc : Et ça m’intéresse beaucoup de m’exposer de plus en plus et d’apprendre du leadership féminin. Et donc je parlais de Ginni Rometty par exemple. Bon voilà, c’est une grande patronne du business américain, ancienne patronne d’IBM. Bon je pense que j’ai beaucoup à apprendre de ça parce que les compétences en termes d’empathie, d’émotion, de connexion humaine, honnêtement, dans un monde patriarcal, on part de zéro quoi hein. Et il n’y a pas beaucoup de CEO femmes dans le CAC 40 ou le Fortune Five Hundred. 

Jean-Philippe Courtois : Pas suffisamment, non. 

Pierre Dubuc : Clairement pas suffisamment, et je pense que ça changerait fortement la qualité du leadership en bien, et ça m’inspire de voir ça, donc j’aimerais développer ça et les deux sont un petit peu liés parce que souvent les femmes, sans généraliser sont plus à même à être empathiques et vulnérables.

Jean-Philippe Courtois : Écoute c’est sur ces superbes inspirations d’apprentissage du leadership positif, Pierre, que je souhaitais te remercier infiniment. Je pense que tu incarnes vraiment cette génération, j’allais dire, de leaders positifs qui entreprennent pour le bien commun. En tous cas c’est la vision que j’en ai, pas simplement au cœur de ma petite organisation, association Live For Good, au sein de ma vie professionnelle chez Microsoft également, mais je te vois agir surtout depuis des années, et la mission que tu fais vivre, elle est réelle : une personne à la fois, une famille à la fois, et ça c’est fort et c’est très beau, et c’est pour ça que ça inspire tant de jeunes et de moins jeunes. Et donc, je te remercie vraiment très chaleureusement, parce que tu as toujours répondu présent, et Dieu sait que je sais que tu es très occupé, dans une boîte qui grandit très vite, et j’ai beaucoup apprécié de passer ce moment avec toi.

Pierre Dubuc : Merci, c’est toujours avec plaisir.

Jean-Philippe Courtois : Et donc Pierre quelques, ce que j’ai appris, je fais généralement un petit résumé rapide des quelques points forts. Très simplement, très rapidement, d’abord c’est l’humain au cœur de chacune des actions. C’est apprendre à apprendre. C’est changer positivement la vie des autres, une personne, une famille à la fois, en rendant évidemment l’éducation accessible. Et c’est finalement, en tant que leader, aspirer à apprendre le leadership féminin et la vulnérabilité.

Jean-Philippe Courtois : C’est de belles solutions je pense, que je partage avec nos auditeurs, et qui vont je l’espère enrichir un petit peu les témoignages que je recueille, et je pense que ton témoignage aujourd’hui ajoute à la qualité et à la densité de tout ce que tu as réalisé. Mille mercis Pierre !

Pierre Dubuc : Merci à toi.

Jean-Philippe Courtois : À très bientôt sur le podcast du Leadership positif merci.